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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/156

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Au reste, quelque irrégulière que soit la variation de l’aiguille aimantée dans sa direction, il me paraît néanmoins que l’on peut en fixer les limites, et même placer entre elles un grand nombre de points intermédiaires, qui, comme ces limites mêmes, seront constants et presque fixes pour un certain nombre d’années, parce que le progrès de ce mouvement de déclinaison ne se faisant actuellement que très lentement, on peut le regarder comme constant pour le prochain avenir d’un petit nombre d’années ; et c’est pour arriver à cette détermination, ou du moins pour en approcher autant qu’il est possible, que j’ai réuni toutes les observations que j’ai pu recueillir dans les voyages et navigations faits depuis vingt ans, et dont je placerai d’avance les principaux résultats dans l’article suivant.


ARTICLE VI

DE L’INCLINAISON DE L’AIMANT.

La direction de l’aimant ou de l’aiguille aimantée n’est pas l’effet d’un mouvement simple, mais d’un mouvement composé qui suit la courbure du globe de l’équateur aux pôles. Si l’on pose un aimant sur du mercure, dans une situation horizontale et sous le méridien magnétique du lieu, il s’inclinera de manière que le pôle austral de cet aimant s’élèvera au-dessus, et que le pôle boréal s’abaissera au-dessous de la ligne horizontale dans notre hémisphère boréal, le contraire arrive dans l’hémisphère austral ; cet effet est encore plus aisé à mesurer, au moyen d’une aiguille aimantée, placée dans un plan vertical : la boussole horizontale indique la direction avec ses déclinaisons, et la boussole verticale démontre l’inclinaison de l’aiguille ; cette inclinaison change souvent plus que la déclinaison, suivant les lieux, mais elle est plus constante pour les temps ; et l’on a même observé que la différence de hauteur, comme du sommet d’une montagne à sa vallée, ne change rien à cette inclinaison. M. le chevalier de Lamanon m’écrit qu’étant sur le pic de Ténériffe, à 1 900 toises au-dessus du niveau de la mer, il avait observé que l’inclinaison de l’aiguille était la même qu’à Sainte-Croix ; ce qui semble prouver que les émanations du globe qui produisent l’électricité et le magnétisme s’élèvent à une très grande hauteur dans les climats chauds[1] : au reste, l’inclinaison et la déclinaison sont sujettes à des trépidations presque continuelles de jour en jour, d’heure en heure et, pour ainsi dire, de moment à moment.

Les aiguilles des boussoles verticales doivent être faites et placées de manière que leur centre de gravité coïncide avec leur centre de mouvement, au lieu que, dans les boussoles horizontales, le centre du mouvement de l’aiguille est un peu plus élevé que son centre de gravité.

Lorsqu’on commence à mettre en mouvement cette aiguille placée verticalement, elle se meut par des oscillations qu’on a voulu comparer à celles du pendule de la gravitation ; mais les effets qu’ils présentent sont très différents, car la direction de cette aiguille, dans son inclinaison, varie selon les différents lieux, au lieu que celle du pendule est constante dans tous les lieux de la terre, puisqu’elle est toujours perpendiculaire à la surface du globe.

Nous avons dit que les particules de la limaille de fer sont autant de petites aiguilles, qui prennent des pôles par le contact de l’aimant : ces aiguilles se dressent perpendiculairement sur les deux pôles de l’aimant, mais la position de ces particules aimantées

  1. Lettre de M. le chevalier de Lamanon à M. de Buffon, datée des îles Canaries, 1785.