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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/157

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devient d’autant plus oblique, qu’elles sont plus éloignées de ces mêmes pôles, et jusqu’à l’équateur de l’aimant, où il ne leur reste qu’une attraction sans inclinaison. Cet équateur est le point de partage entre les deux directions et inclinaisons en sens contraire ; et nous devons observer que cette ligne de séparation des deux courants magnétiques ne se trouve pas précisément à la même distance des deux pôles, dans les aimants non plus que dans le globe terrestre, et qu’elle est toujours à une moindre distance du pôle le plus faible. Les particules de limaille s’attachent horizontalement sur cette partie de l’équateur des aimants, et leur inclinaison ne se manifeste bien sensiblement qu’à quelque distance de cette partie équatoriale ; la limaille commence alors à s’incliner sensiblement vers l’un et l’autre pôle en deçà et au delà de cet équateur : son inclinaison vers le pôle austral est donc à contresens de la première, qui tend au pôle boréal de l’aimant, et cette limaille se dresse de même perpendiculairement sur le pôle austral comme sur le pôle boréal. Ces phénomènes sont constants dans tous les aimants ou fers aimantés ; et, comme le globe terrestre possède en grand les mêmes puissances que l’aimant nous présente en petit, l’aiguille doit être perpendiculaire par une inclinaison de 90 degrés sur les pôles magnétiques du globe : ainsi, les lieux où l’inclinaison de l’aiguille sera de 90 degrés seront en effet les vrais pôles magnétiques sur la terre.

Nous n’avons rien négligé pour nous procurer toutes les observations qui ont été faites jusqu’ici sur la déclinaison et l’inclinaison de l’aiguille aimantée[1]. Nous croyons que personne avant nous n’en avait recueilli un aussi grand nombre ; nous les avons comparées avec soin, et nous avons reconnu que c’est aux environs de l’équateur que l’inclinaison est presque toujours nulle ; que l’équateur magnétique est au-dessus de l’équateur terrestre dans la partie de la mer des Indes située vers le 97e degré de longitude[2], et qu’il paraît, au contraire, au-dessous de la ligne dans la portion de la mer Pacifique qui correspond au 197e degré : on peut donc conjecturer que le pôle magnétique est éloigné vers l’est du pôle de la terre, relativement aux mers des Indes et Pacifique ; et par conséquent, il doit être situé dans les terres les plus septentrionales de l’Amérique, ainsi que nous l’avons déjà dit.

Dans la mer Atlantique, l’espace où l’aiguille a été observée sans déclinaison[3] se prolonge jusqu’au 58e degré de latitude australe, et à l’égard de son étendue vers le nord, on le peut suivre jusqu’au 35e degré, ou environ, de latitude, ce qui lui donnerait en tout 93 degrés de longueur, si l’on avait fait, jusqu’à présent, assez d’observations pour que nous fussions assurés qu’il n’est interrompu par aucun endroit où l’aiguille décline de plus de 2 degrés vers l’est ou vers l’ouest. Cet espace, ou cette bande sans déclinaison, peut surtout être interrompue dans le voisinage des continents et des îles. Car on ne peut douter que la proximité des terres n’influe beaucoup sur la direction de l’aiguille. Cette déviation dépend des masses ferrugineuses qui peuvent se trouver à la surface de ces terres, et qui, agissant sur le magnétisme général, comme autant de pôles magnétiques particuliers, doivent fléchir son cours et en changer plus ou moins la direction : et si le voisinage de certaines côtes a paru, au contraire, repousser l’aiguille aimantée, la nouvelle direction de l’aiguille n’a point été, dans ces cas particuliers, l’effet d’une répulsion qui n’a été

  1. De tous nos voyageurs, M. Eckberg et M. Le Gentil, savant astronome de l’Académie des sciences, sont ceux qui ont donné le plus d’attention à l’inclinaison de l’aimant dans les régions qu’ils ont parcourues.
  2. Nous devons remarquer que, dans les articles de la déclinaison et de l’inclinaison de l’aimant, nous avons toujours compté les longitudes à l’est du méridien de Paris.
  3. Je dois observer ici que j’ai regardé comme nulles toutes les déclinaisons qui ne s’étendaient pas à deux degrés au-dessus de zéro, parce que les variations diurnes, et surtout les accidents des aurores boréales et des tempêtes, font souvent changer la direction de l’aiguille de plus de deux degrés.