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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/159

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de toutes celles qui ont été remarquées dans les derniers temps, est celle de 45 degrés dont nous avons déjà parlé, et qui a été observée par M. le chevalier de l’Angle, vers le 62e degré de latitude, et le 297e ou 298e de longitude, entre le Groenland et la terre de Labrador : elles sont toutes les deux vers l’ouest, et toutes les deux ont eu lieu dans des endroits éloignés de l’équateur d’environ 60 degrés.

Tels sont les principaux faits, tant pour la déclinaison que pour l’inclinaison, qu’offre ce qu’on a reconnu de l’état actuel des forces magnétiques qui s’étendent de l’équateur aux pôles ; et, si nous voulons tirer quelques résultats du petit nombre d’observations plus anciennes, nous trouverons que, depuis 1700, l’inclinaison de l’aiguille aimantée a varié en différents endroits ; mais tout ce que l’on peut conclure de ces observations, qui sont en trop petit nombre, c’est que les changements de la déclinaison et de l’inclinaison ont été inégaux et irréguliers dans les divers points des deux hémisphères.

Et, pour ne considérer d’abord que les variations de la déclinaison, la plus grande irrégularité des changements qu’elle a éprouvés sur les différents points du globe suffit pour empêcher d’admettre l’hypothèse de Halley, qui supposait dans l’intérieur de la terre un grand noyau magnétique doué d’une sorte de mouvement de rotation indépendant de celui du globe, et qui, par sa déclinaison, produirait celle des aimants placés à la surface de la terre. M. Æpinus[1], qui d’abord paraissait tenté d’adopter l’opinion de Halley, a vu lui-même qu’elle ne pourrait pas s’accorder avec l’irrégularité des changements de la déclinaison magnétique : au lieu du mouvement régulier d’une sorte de grand aimant imaginé par Halley, il a proposé d’admettre des changements irréguliers et locaux dans le noyau de la terre ; mais, indépendamment de l’impossibilité d’assigner les causes de ces changements intérieurs, ils ne pourraient agir sur la déclinaison des aiguilles qu’autant que les portions du noyau gagneraient ou perdraient la vertu magnétique ; et nous avons vu que les masses ferrugineuses ne pouvaient s’aimanter naturellement que très près de la surface du globe et par les influences de l’atmosphère.

Depuis 1580, la déclinaison de l’aiguille a varié, dans les divers endroits de la surface du globe, d’une manière très inégale : elle s’est portée vers l’est avec des vitesses très différentes, non seulement selon les temps, mais encore selon les lieux ; et ceci est d’autant plus important à observer que ses mouvements ont toujours été très irréguliers, et que nous ne faisons ici aucune attention aux petites causes locales qui ont pu la déranger. Ces causes, dont les effets ne sont pas constants, mais passagers, peuvent être de même nature que les causes plus générales du changement de déclinaison ; mais elles n’agissent qu’en certains endroits, où elles doivent détourner cette même déclinaison d’un grand nombre de degrés, jusqu’à la faire aller en diminuant, lorsqu’elle devrait s’accroître, et peuvent même tout à coup la faire changer de l’est à l’ouest, ou de l’ouest à l’est. Par exemple, dans l’année 1618, la déclinaison était orientale de 15 degrés dans l’île de Candie, tandis qu’elle était nulle à Malte et dans le détroit de Gibraltar, et qu’elle était de 6 degrés vers l’ouest à Palerme et à Alexandrie ; ce que l’on ne peut attribuer qu’à des causes particulières et à ces effets passagers que nous venons d’indiquer.

La bande sans déclinaison, qui se trouve actuellement dans la mer Atlantique, gisait auparavant dans notre continent ; en 1594, elle passait à Narva, en Finlande ; elle était en même temps bien plus avancée du côté de l’est dans les régions plus voisines de l’équateur, et, par conséquent, il y a près de deux cents ans qu’elle était inclinée du côté de l’ouest, relativement à l’équateur terrestre, puisqu’elle n’a passé qu’en 1600 à Constantinople, qui est à peu près sous le même méridien que Narva. Cette bande sans déclinaison est parvenue, en s’avançant vers l’ouest, jusqu’au 282e degré de longitude, et à la latitude de 35 degrés, où elle se trouve actuellement.

  1. Voyez l’ouvrage déjà cité de ce savant physicien.