Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En 1616, la déclinaison fut trouvée de 57 degrés à 68 degrés de latitude boréale, et 280 de longitude. C’est la plus grande déclinaison qu’on ait observée ; elle était vers l’ouest, ainsi que les deux fortes déclinaisons dont nous devons la connaissance à M. le chevalier de l’Angle et au capitaine Cook ; elle a eu également lieu sous une très haute latitude, et elle a été reconnue dans un endroit peu éloigné de celui où M. de l’Angle a trouvé la déclinaison de 45 degrés, la plus grande de toutes celles qui ont été observées dans les derniers temps. Néanmoins, dans la même année 1616, la bande sans déclinaison qui traversait l’Europe, et qui s’avançait toujours vers l’Occident, n’était pas encore parvenue au 21e degré de longitude, et dans des points situés à l’ouest de cette bande, comme par exemple à Paris, à Rome, etc., l’aiguille déclinait vers l’est. Et cela provient de ce que les régions septentrionales de l’Amérique n’avaient pas encore éprouvé toutes les révolutions qui y ont établi le pôle magnétique que l’on doit y supposer à présent.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas douter qu’il n’y ait actuellement un pôle magnétique dans cette région du nord de l’Amérique, puisque la déclinaison vers l’ouest est plus grande en Angleterre qu’en France, plus grande en France qu’en Allemagne et toujours moindre à mesure qu’on s’éloigne de l’Amérique, en s’avançant vers l’Orient.

Dans l’hémisphère austral, l’aiguille d’inclinaison, au rapport du voyageur Noël, se tenait perpendiculaire au 35e ou 36e degré de latitude, et cette perpendicularité de l’aiguille se soutenait dans une longue étendue, sous différentes longitudes, depuis la mer de la Nouvelle-Hollande jusqu’à sept ou huit cent milles du cap de Bonne-Espérance[1]. Cette observation s’accorde avec le fait rapporté par Abel Tasman, dans son voyage en 1642 : ce voyageur dit avoir observé que l’aiguille de ses boussoles horizontales ne se dirigeait plus vers aucun point fixe, dans la partie de la mer voisine, à l’occident, de la terre de Diémen ; et cela doit arriver en effet lorsqu’on se trouve sur un pôle magnétique. En comptant donc sur cette observation du voyageur Noël, on est en droit d’en conclure qu’un des pôles magnétiques de l’hémisphère austral était situé, dans ce temps, sous la latitude de 35 ou 36 degrés, et que, quoiqu’il y eût une assez grande étendue en longitude où l’aiguille n’avait point de direction constante, on doit supposer, sur cette ligne, un espace qui servait de centre à ce pôle et dans lequel, comme sur les parties polaires de la pierre d’aimant, la force magnétique était la plus concentrée ; et ce centre était probablement l’endroit où Tasman a vu que l’aiguille de ses boussoles horizontales ne pouvait se fixer.

Le pôle magnétique qui se trouve dans le nord de l’Amérique n’est pas le seul qui soit dans notre hémisphère ; le savant et ingénieux Halley en comptait quatre sur le globe entier, et en plaçait deux dans l’hémisphère boréal et deux dans l’hémisphère austral. Nous croyons devoir en compter également deux dans chaque hémisphère, ainsi que nous l’avons déjà dit, puisqu’on y a reconnu trois lignes ou bandes, sur lesquelles l’aiguille se dirige droit au pôle terrestre sans aucune déviation.

De la même manière que les pôles d’un aimant ne sont pas des points mathématiques, et qu’ils occupent quelques lignes d’étendue superficielle, les pôles magnétiques du globe terrestre occupent un assez grand espace ; et en comptant sur le globe quatre pôles magnétiques, il doit se trouver un certain nombre de régions dans lesquelles l’inclinaison de l’aiguille sera très grande et de plus de 80 degrés.

Quoique le globe terrestre ait en grand les mêmes propriétés que l’aimant nous offre

  1. Le capitaine Cook dit que l’inclinaison de l’aiguille fut de 64 degr. 36 min. les trois différentes fois qu’il relâcha à la Nouvelle-Zélande, dans une baie située par 41 degr. min. 56 sec. de latitude, et 172 degr. min. sec. de longitude. Il me paraît que l’on peut compter sur cette observation de Cook, avec d’autant plus de raison qu’elle a été répétée, comme l’on voit par son récit, jusqu’à trois fois différentes dans le même lieu, en différentes années. (Voyez le Second voyage de Cook, t. III, p. 374.)