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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/25

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reflet que sur ceux dont les faces extérieures ont été polies par la nature ; et, comme ces diamants à faces polies sont fort rares, il faut en général avoir recours à l’art et les polir pour pouvoir en juger ; lorsque leur eau et leur reflet ne sont pas d’un blanc éclatant et pur et qu’on y aperçoit une nuance de gris ou de bleuâtre, c’est une imperfection qui seule diminue prodigieusement la valeur du diamant, quand même il n’aurait pas d’autres défaut : les Orientaux prétendent encore que ce n’est qu’à l’ombre d’un arbre touffu qu’on peut juger de l’eau des diamants[1] ; enfin ce n’est pas toujours par le volume ou le poids qu’on doit estimer les diamants : il est vrai que les gros sont sans comparaison plus rares et bien plus précieux que les petits ; mais, dans tous, la proportion des dimensions fait plus que le volume, et ils sont d’autant plus chers qu’ils ont plus de hauteur, de fond ou d’épaisseur relativement à leurs dimensions[2].

Pline nous apprend que le diamant était si rare autrefois[3] que son prix excessif ne permettait qu’aux rois les plus puissants d’en avoir : il dit que les anciens se persuadaient qu’il ne s’en trouvait qu’en Éthiopie, mais que de son temps l’on en tirait de l’Inde, de l’Arabie, de la Macédoine et de l’île de Chypre ; néanmoins je dois observer que les habitants de l’île de Chypre, de la Macédoine, de l’Arabie, et même de l’Éthiopie, ne les trouvaient pas dans leur pays, et que ce rapport de Pline ne doit s’entendre que du commerce que ces peuples faisaient dans les Indes orientales, d’où ils tiraient les diamants que l’on portait ensuite en Italie. On doit aussi modifier et même se refuser à croire ce que le naturaliste romain nous dit des vertus sympathiques et antipathiques des diamants, de leur dissolution dans le sang de bouc, et de la propriété qu’ils ont de détruire l’action de l’aimant sur le fer[4].

On employait autrefois les diamants bruts et tels qu’ils sortaient de la terre ; ce n’est que dans le xve siècle qu’on a trouvé en Europe l’art de les tailler, et l’on ne connaissait encore alors que ceux qui nous venaient des Indes orientales : « En 1678, dit un illustre voyageur, il y avait dans le royaume de Golconde vingt mines de diamants ouvertes et quinze dans celui de Visapour ; ils sont très abondants dans ces deux royaumes ; mais les princes qui règnent ne permettent d’ouvrir qu’un certain nombre de mines, et se réservent tous les diamants d’un certain poids ; c’est pour cela qu’ils sont rares, et qu’on en voit très peu de gros. Il y a aussi des diamants dans beaucoup d’autres lieux de l’Inde, et particulièrement dans le royaume de Pégu ; mais le roi se contente des autres pierres précieuses et de diverses productions utiles que fournit son pays, et ne souffre pas qu’on fasse aucune recherche pour y trouver de nouveaux trésors, dans la crainte d’exciter la cupidité de quelque puissance voisine. Dans les royaumes de Golconde et de Visapour, les diamants se trouvent ordinairement épars dans la terre, à une médiocre profondeur, au pied des hautes montagnes, formées en partie par différents lits de roc vif, blanc et très dur ; mais, cependant, dans certaines mines qui dépendent de Golconde, on est obligé de creuser en quelques lieux à la profondeur de quarante ou cinquante brasses, au travers du rocher et d’une sorte de pierre minérale assez semblable à certaines mines de fer, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à une couche de terre dans

  1. Voyez l’article Diamant dans le Dictionnaire encyclopédique de Chambers.
  2. Premièrement, il faut savoir combien pèse le diamant et puis voir s’il est parfait ; si c’est une pierre épaisse, bien carrée et qui ait tous ses coins ; si elle est d’une belle eau blanche et vive, sans points et sans glaces ; si c’est une pierre taillée à facettes et que d’ordinaire on appelle une rose ; il faut prendre garde si la forme est bien ronde ou ovale, si la pierre est de belle étendue, et enfin qu’elle ait la même eau et qu’elle soit sans points et sans glaces, comme j’ai dit de la pierre épaisse. Voyages de Tavernier, t. IV, liv. ii, p. 34 et suiv.
  3. Histoire naturelle, liv. xxxvii, chap. iv.
  4. Idem, ibidem.