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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/26

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laquelle se trouvent les diamants : cette terre est rouge comme celle de la plupart des autres mines de diamants ; il y en a cependant quelques-unes dont la terre est jaune ou orangée, et celle de la seule mine de Worthor est noire[1]. » Ce sont là les principaux faits que l’on peut recueillir du Mémoire qui fut présenté, sur la fin du siècle dernier, à la Société royale de Londres par le grand maréchal d’Angleterre, touchant les mines de diamants de l’Inde, qu’il dit avoir vues et examinées.

De tous les autres voyageurs, Tavernier est presque le seul qui nous ait indiqué d’une manière un peu précise les différents lieux où se trouvent les diamants dans l’ancien continent ; il donne aussi le nom de mines de diamants aux endroits dont on les tire, et tous ceux qui ont écrit après lui ont adopté cette expression, tandis que, par leurs propres descriptions, il est évident que non seulement les diamants ne se trouvent pas en mines comme les métaux, mais que même ils ne sont jamais attachés aux rochers comme le sont les cristaux : on en trouve à la vérité dans les fentes plus ou moins étroites de quelques rochers, et quelquefois à d’assez grandes profondeurs, lorsque ces fentes sont remplies de terre limoneuse[2] dans laquelle le diamant se trouve isolé et n’a pas d’autre matrice que cette même terre. Ceux que l’on trouve à cinq journées de Golconde, et à huit ou neuf de Visapour, sont dans des veines de cette terre entre les rochers, et, comme ces veines sont souvent obliques ou tortueuses, les ouvriers sont obligés de casser le rocher afin de suivre la veine dont ils tirent la terre avec un instrument crochu, et c’est en délayant à l’eau cette terre qu’ils en séparent les diamants. On en trouve aussi dans la première couche de la terre de ces mêmes lieux, à très peu de profondeur, et c’est même dans cette couche de terre limoneuse qu’on rencontre les diamants les plus nets et les plus blancs : ceux que l’on tire des fentes des rochers ont souvent des glaces qui ne sont pas des défauts de nature, mais des fêlures qui proviennent des chocs que les ouvriers, avec leurs outils de fer, donnent aux diamants en les recherchant dans ces fentes de rocher[3].

Tavernier cite quelques autres endroits où l’on trouve des diamants : « L’un est situé à sept journées de Golconde, en tirant droit au levant, dans une petite plaine voisine des montagnes et près d’un gros bourg, sur la rivière qui en découle ; on rencontre d’autant

  1. Transactions philosophiques, année 1678.
  2. Les hommes fouillent cette terre, les femmes et les enfants la portent dans une place préparée où l’on jette de l’eau par-dessus pour la détremper ; on fait écouler cette eau, ensuite on en jette de la nouvelle jusqu’à ce que toute la terre soit entraînée et qu’il ne reste plus que le sable qu’on laisse sécher et que l’on vanne, comme si c’était du blé, pour faire en aller la poussière : cette terre ou sable étant ainsi vannée, on l’étend avec un râteau pour la rendre unie autant qu’il est possible ; on la bat avec de gros billots ou pilons de bois, puis on l’étend encore, et enfin on se met à un des bords de cette terre et on y cherche le diamant avec la main, en présence de ceux qui sont commis à la garde des ouvriers. Voyages de Tavernier, t. IV, liv. ii, p. 19 et suiv.
  3. C’est ce qui fait qu’on trouve à cette mine quantité de pierres faibles ; car, dès que les mineurs voient une pierre où la glace est un peu grande, ils se mettent à la cliver, c’est-à-dire à la fendre, à quoi ils sont beaucoup plus stylés que nous : ce sont les pierres que nous appelons faibles et qui sont d’une grande montre ; si la pierre est nette, ils ne font que la passer dessus et dessous sur la roue et ne s’amusent point à lui donner de forme, de peur de lui ôter de son poids : que s’il y a quelques petites glaces ou quelques points, ou quelque petit sable noir ou rouge, ils couvrent cela de l’arête de l’une des facettes ; mais il faut remarquer que le marchand aimant mieux un point noir dans une pierre qu’un point rouge, quand il y a un point rouge, on chauffe la pierre et il devient noir. Cette adresse me fut enfin si connue que, lorsque je voyais une partie des pierres qui venaient de la mine et qu’il y avait des facettes à quelques-unes, j’étais assuré qu’il y avait dans la pierre quelque petit point ou quelque petite glace. Voyages de Tavernier, t. IV, liv. ii, p. 2 et suiv.