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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/38

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n’aient, comme les vrais saphirs, qu’une simple réfraction, ce qu’il faudrait vérifier ; car, du reste, il paraît, par leur densité et leur dureté, qu’ils sont de la même nature que le saphir d’Orient.

Un défaut très commun dans les saphirs est le nuage ou l’apparence laiteuse qui ternit leur couleur et diminue leur transparence ; ce sont ces saphirs laiteux auxquels on a donné le nom de girasols, lorsque le bleu est teint d’un peu de rouge ; mais, quoique les couleurs ne soient pas franches dans le girasol et que sa transparence ne soit pas nette, il a néanmoins de très beaux reflets, surtout à la lumière du soleil, et il n’a, comme le saphir, qu’une simple réfraction. Le girasol n’est donc pas une pierre vitreuse, mais une pierre supérieure à tous les extraits du quartz et du schorl ; il est en effet spécifiquement aussi pesant que le saphir et la topaze : ainsi l’on se tromperait si l’on prenait le girasol pour une sorte de calcédoine à cause de la ressemblance de ces deux pierres par leur transparence laiteuse et leur couleur bleuâtre. Ce sont certainement deux substances très différentes : la calcédoine n’est qu’une sorte d’agate, et le girasol est un saphir ou plutôt une pierre qui fait la nuance entre le saphir et le rubis : son origine et son essence sont absolument différentes de celles de la calcédoine ; je crois devoir insister sur ce point, parce que la plupart des naturalistes ont réuni le girasol et la calcédoine sur la seule ressemblance de leur couleur bleuâtre et de leur transparence nuageuse. Au reste, les Italiens ont donné à cette pierre le nom de girasol[1] parce qu’à mesure qu’on la tourne, surtout à l’aspect du soleil, elle en réfléchit fortement la lumière ; et, comme elle présente à l’œil des reflets rougeâtres et bleus, nous sommes fondés à croire que sa substance participe de celle du saphir et du rubis, d’autant qu’elle est de la même dureté et à peu près de la même densité que ces deux pierres précieuses.

Si le bleu qui colore le saphir se trouvait mêlé en juste proportion avec le jaune de la topaze, il pourrait en résulter un vert d’émeraude ; mais il faut que cette combinaison soit très rare dans la nature, car on ne connaît point d’émeraudes qui soient de la même dureté et de la même essence que les rubis, topazes, saphirs et girasols d’Orient ; et, s’il en existe, on ne peut les confondre avec aucune des émeraudes dont nous avons parlé, qui toutes sont beaucoup moins denses et moins dures que ces pierres d’Orient, et qui de plus donnent toutes une double réfraction.

On n’avait jusqu’ici regardé les diamants, rubis, topazes et saphirs, que comme des cristaux plus parfaits que le cristal de roche ; on leur donnait la même origine ; mais leur combustibilité, leur grande dureté, leur forte densité et leur réfraction simple démontrent que leur essence est absolument différente de celle de tous les cristaux vitreux ou calcaires ; et toutes les analogies nous indiquent que ces pierres précieuses, ainsi que les pyrites et les spaths pesants, ont été produites par la terre limoneuse : c’est par la grande quantité du feu contenu dans les détriments des corps organisés dont cette terre est composée que se forment toutes ces pierres qu’on doit regarder comme des corps ignés qui n’ont pu tirer leur feu ou les principes de leur combustibilité que du magasin général des substances combustibles, c’est-à-dire de la terre produite par les détriments de tous les animaux et de tous les végétaux dont le feu qui les animait réside encore en partie dans leurs débris.


  1. Girasol, tournesol ou soleil qui tourne.