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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/39

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CONCRÉTIONS MÉTALLIQUES

Les métaux, tels que nous les connaissons et que nous en usons, sont autant l’ouvrage de notre art que le produit de la nature ; tout ce que nous voyons sous la forme de plomb, d’étain, de fer, et même de cuivre, ne ressemble point du tout aux mines dont nous avons tiré ces métaux : leurs minerais sont des espèces de pyrites ; ils sont tous composés de parties métalliques minéralisées, c’est-à-dire altérées par le mélange intime de la substance du feu fixée par les acides. La pyrite jaune n’est qu’un minerai de cuivre ; la pyrite martiale un minerai de fer ; la galène du plomb, et les cristaux de l’étain ne sont aussi que des minerais pyriteux : si l’on recherche quelles peuvent être les puissances actives capables d’altérer la substance des métaux et de changer leur forme au point de les rendre méconnaissables, en les minéralisant, on se persuadera qu’il n’y a que les sels qui puissent opérer cet effet, parce qu’il n’y a que les sels qui soient solubles dans l’eau et qui puissent pénétrer avec elle les substances métalliques ; car on ne doit pas confondre ici le métal calciné par le feu avec le métal minéralisé, c’est-à-dire la chaux des métaux produite par le feu primitif, avec le minerai formé postérieurement par l’intermède de l’eau ; mais, à l’exception de ces chaux métalliques produites par le feu primitif, toutes les autres formes sous lesquelles se présentent les métaux minéralisés proviennent de l’action des sels et du concours des éléments humides ; or nous avons vu qu’il n’y a que trois sels simples dans la nature, le premier formé par l’acide, le second par l’alcali, et le troisième par l’arsenic : toutes les autres substances salines sont plus ou moins imprégnées ou mêlées de ces trois sels simples. Nous pouvons donc, sans craindre de nous tromper, rapporter à ces trois sels ou à leurs combinaisons toutes les différentes minéralisations des matières métalliques : l’arsenic est autant un sel qu’un métal ; le soufre n’est que la substance du feu saisie par l’acide vitriolique : ainsi, quand nous disons qu’une matière métallique est minéralisée par le soufre ou par l’arsenic, cela signifie seulement qu’elle a été altérée par l’un ou l’autre de ces sels simples ; et, si l’on dit qu’elle a été minéralisée par tous deux, c’est parce que l’arsenic et le soufre ont tous deux agi sur le métal ; un seul des deux suffit souvent pour la minéralisation des métaux imparfaits, et même pour celle de l’argent : il n’y a que l’or qui exige la réunion de l’alcali et du soufre, ou de l’acide nitreux et de l’acide marin pour se dissoudre ; et cette dissolution de l’or n’est pas encore une minéralisation, mais une simple division de ses parties en atomes si petits qu’ils se tiennent suspendus dans ces dissolvants, et sans que leur essence en soit altérée, puisque l’or reparaît sous sa forme de métal pur, dès qu’on le fait précipiter.

Il me paraît donc que toutes les matières métalliques qui se présentent sous une forme minéralisée sont de seconde formation, puisqu’elles ont été altérées par l’action des sels et des éléments humides : le feu, qui a le premier agi sur leur substance, n’a pu que les sublimer, les fondre ou les calciner, et même il faut, pour leur calcination ou réduction en chaux, le concours de l’air ; l’or, qu’aucun sel ne peut minéraliser et que le feu ne peut calciner, se présente toujours dans son état métallique, parce que ne pouvant être réduit en chaux, ni la fusion ni la sublimation n’altèrent sa substance ; elle demeure pure ou simplement alliée des autres substances métalliques qui se sont fondues ou sublimées avec ce métal : or, de six métaux, il y en a trois, l’or, l’argent et le cuivre, qui se présentent assez souvent dans leur état métallique, et les trois autres, le plomb, l’étain et le fer, ne se trouvent nulle part dans cet état ; ils sont toujours calcinés ou minéralisés.

On doit soigneusement distinguer la minéralisation du mélange simple ; le mélange