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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/72

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masses roulées d’un basalte grisâtre ou d’un vert brun, lequel est souvent entremêlé de quelques veines quartzeuses et parsemé de petites éminences formées par des globules verdâtres, qui sont aussi du basalte, mais beaucoup plus dur que la gangue grisâtre, puisque ces globules, moins usés que le reste en roulant, forment les éminences superficielles qui ont fait donner à cette pierre le nom de variolithe : ces petites éminences, dont le centre offre d’ordinaire un point rouge, imitent en effet assez bien les pustules de la petite vérole.

Nous devons observer ici que cet habile chimiste suivait la nomenclature des Allemands et des Suédois, qui donnaient alors le nom de basalte au schorl, par la seule raison qu’il était souvent configuré en prisme comme le véritable basalte ; mais les naturalistes ont rejeté cette dénomination équivoque depuis qu’ils ont reconnu, avec M. Faujas de Saint-Fond, que le nom de basalte ne devait être donné spécifiquement et exclusivement qu’aux laves prismatiques connues sous le nom de basaltes, telles que ceux de Stolp en Misnie, d’Antrim en Irlande, et ceux du Vivarais, du Velay, de l’Auvergne, etc.

Pour éclaircir cette nomenclature, M. Faujas de Saint-Fond a observé que Wallerius, qui a nommé cette pierre lapis variolarum ou variolithes, l’avait mise au nombre des basaltes, sans spécifier si c’était un basalte volcanique, et que, sans autre examen, cette dénomination équivoque a été adoptée par Linnæus, par M. le baron de Born et par plusieurs de nos naturalistes français ; M. Faujas de Saint-Fond a donc pensé qu’il fallait désigner cette pierre par des caractères plus précis, et il l’a dénommée lapis variolithes viridis verus, afin de la distinguer de plusieurs autres pierres couvertes également de taches et relevées de tubercules, et qui cependant sont très différentes de celles-ci.

Les Romains ont connu la véritable pierre variolithe. « J’en ai vu une très belle, dit M. Faujas de Saint-Fond, entourée d’un cercle d’or, qui fut trouvée en Dauphiné, dans un tombeau antique, entre Suze et Saint-Paul-Trois-Châteaux : elle avait été regardée probablement comme une espèce d’amulette propre à garantir de la maladie avec laquelle elle a une sorte de ressemblance. Quelques peuplades des Indes occidentales, ayant la même croyance, portent cette pierre suspendue à leur cou ; ils la nomment gamaïcou. »

Cette pierre est particulièrement connue en Europe, sous le nom de variolithe de la Durance, parce qu’elle est abondante dans cette rivière ; les torrents la détachent des hautes Alpes dauphinoises, dans une étroite et profonde vallée, entre Servières et Briançon.

La vraie variolithe est d’un vert plus ou moins foncé, sa pâte est fine, dure, et susceptible de recevoir un beau poli, quoiqu’un peu gras, particulièrement sur les taches.

Les plus gros boutons et protubérances de la variolithe n’excèdent pas six à sept lignes de diamètre, et les plus petits ne sont que d’une demi-ligne.

L’on a reconnu dans la variolithe quelques points et des linéaments de pyrite et même d’argent natif, mais en très petite quantité. L’analyse de cette pierre, faite avec beaucoup, de soin par M. Faujas de Saint-Fond, tend à prouver qu’elle est composée de quartz, d’argile, de magnésie, de terre calcaire, et d’un peu de fer qui a produit sa couleur verte, et que les taches qui forment ces protubérances singulières sur les variolithes roulées sont dues à des globules de schorl plus durs que la pierre même qui les renferme.

Cette pierre, composée de tous ces éléments, est beaucoup moins commune que les autres pierres, puisqu’on ne l’a jusqu’à présent trouvée que dans quelques endroits de la vallée de Servières en Dauphiné, dans un seul autre endroit en Suisse, et en dernier lieu dans l’île de Corse. Don Ulloa et M. Valmont de Bomare disent qu’elle se trouve aussi en Amérique, mais nous n’en avons reçu aucun échantillon par nos correspondants.