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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/71

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des anciens : les Égyptiens et les autres peuples du Levant connaissaient assez ces basaltes pour les employer à plusieurs ouvrages, et l’on trouve encore aujourd’hui des figures et morceaux de ce basalte[1], pierre de Lydie, dont la texture est feuilletée et la couleur brune ou noire. Au reste, il ne faut pas confondre ce basalte, vraie pierre de touche, avec la pierre décrite par M. Pott[2], et à laquelle il donne ce même nom ; car cette pierre de M. Pott n’est pas un basalte, mais un schiste dur, mélangé d’un sable fin de grès : seulement on doit dire qu’il y a plus d’une sorte de pierre dont on se sert pour toucher les métaux ; et en effet, il suffit pour l’usage qu’on en fait, que ces pierres soient plus dures que le métal, et que leur surface ne soit pas assez polie pour le laisser glisser sans l’entamer.


PIERRE VARIOLITHE

Ces pierres sont ainsi dénommées, parce qu’elles présentent à leur surface de petits tubercules assez semblables aux grains et pustules de la petite vérole. On trouve de ces pierres en grande quantité dans la Durance ; elles viennent des montagnes au-dessus de la vallée de Servières, à deux lieues de Briançon, d’où elles sont entraînées par les eaux en morceaux plus ou moins gros ; elles se trouvent aussi en masse dans cette même vallée[3]. M. le docteur Demeste dit que ces pierres variolithes de la Durance[4] sont des galets ou

  1. La pierre de touche est un basalte feuilleté noir, assez dur pour recevoir le poli ; lorsqu’on frotte cette pierre avec un métal, il y laisse un trait coloré qui cède à l’action de l’acide nitreux, si ce métal n’est pas de l’or ou du platine… Les Égyptiens s’en sont servis pour faire des vases et des statues ; j’en ai vu plusieurs à Rome qui m’ont paru de la plus grande dureté, cependant, lorsqu’on laisse ces pierres exposées aux injures de l’air, elles se couvrent d’une espèce de poussière ou rouille qui détruit insensiblement leur poli. Il y a en Suède un basalte cendré ou noirâtre et feuilleté, nommé saxum trapezum, parce que dans sa fracture il représente quelquefois les marches d’un escalier (trapp, en suédois, veut dire escalier) ; il m’a paru d’un grain moins fin que la vraie pierre de touche. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 375.
  2. La pierre de touche a été mal à propos nommée marbre noir : c’est, selon M. Pott, un schiste d’un noir luisant, dont le tissu est assez fin, composé de couches comme l’ardoise, ne faisant point d’effervescence avec les acides, ne donnant point d’étincelles avec l’acier, ni ne se réduisant en chaux dans le feu : cette pierre entre parfaitement en fusion, sans addition, par l’action d’un feu violent, et produit un verre en manière de scories, d’un brun foncé, quelquefois verdâtre, quelquefois noirâtre ; on en trouve en Bohême, en Silésie. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 133 et suiv.
  3. C’est à deux lieues de Briançon que MM. Guettard et Faujas ont découvert, dans la vallée de Servières, la source des pierres variolithes qu’on rencontre dans la Durance : on sait combien cette pierre est rare, et on ne la connaissait jusqu’à présent qu’en cailloux roulés ; mais ces messieurs l’ont trouvée par grandes masses et en rochers : il s’en détache, dans les fortes gelées, des pièces qui sont entraînées par le ruisseau de Servières dans la Durance, qui les roule et les arrondit. Journal de physique de M. l’abbé Rozier ; mois de décembre 1755, p. 517.
  4. Lettres du docteur Demeste, t. Ier, p. 377 et suiv. — Il me semble qu’on doit rapporter aux pierres variolithes le passage suivant ; « J’ai vu, dit M. Demeste, dans différents cabinets, des basaltes en galets qui ne sont que des morceaux de basaltes roulés et arrondis par les eaux : ils étaient composés d’un basalte grisâtre parsemé de taches brunes, qui sont de petites portions globuleuses d’un basalte brun, d’une formation peut-être antérieure à celle du basalte grisâtre qui leur sert de gangue. Ces morceaux, trouvés dans l’île de Corse, ont beaucoup d’analogie avec certains basaltes volcaniques, et pourraient bien n’être qu’un produit du feu ; il faudrait, dans ce cas, les ranger parmi les produits de volcan. »