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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/86

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GÉNÉSIE DES MINÉRAUX


Je crois devoir donner, en récapitulation, l’ordre successif de la génésie ou filiation des matières minérales, afin de retracer en abrégé la marche de la nature, et d’expliquer les rapports généraux dont j’ai présenté le tableau et l’arrangement méthodique, et d’après lequel on pourra dorénavant classer tous les produits de la nature en ce genre, en les rapportent à leur véritable origine.

Le globe terrestre ayant été liquéfié par le feu, les matières fixes de cette masse immense se sont toutes fondues et vitrifiées, tandis que les substances volatiles se sont élevées en vapeurs autour de ce globe, à plus ou moins de hauteur, suivant le degré de leur pesanteur et de leur volatilité. Ces premières matières fixes qui ont subi la vitrification nous sont représentées par les verres que j’ai nommés primitifs, parce que toutes les autres matières vitreuses sont réellement composées du mélange ou des détriments de ces mêmes verres[NdÉ 1].

Le quartz est le premier et le plus simple de ces verres de nature ; le jaspe est le second, et ne diffère du quartz qu’en ce qu’il est fortement imprégné de vapeurs métalliques qui l’ont rendu entièrement opaque, tandis que le quartz est à demi transparent : ils sont tous deux très réfractaires au feu. Le troisième verre primitif est le feldspath, et le quatrième est le schorl, qui tous deux sont fusibles ; enfin, le cinquième est le mica, qui tient le milieu entre les deux verres réfractaires et les deux verres fusibles : le mica provient de l’exfoliation des uns et des autres, il participe de leurs différentes qualités. On pourrait donc, en rigueur, réduire les cinq verres primitifs à trois, c’est-à-dire au quartz, au feldspath et au schorl, puisque le jaspe n’est qu’un quartz imprégné de vapeurs métalliques, et que les micas ne sont que des paillettes et des exfoliations des autres verres ; mais nous n’avons pas jugé cette réduction nécessaire, parce qu’elle n’a rapport qu’à la première formation de ces verres dont nous ignorons les différences primitives, c’est-à-dire les causes qui les ont rendus plus ou moins fusibles ou réfractaires : cette différence nous indique seulement que la substance du quartz et du jaspe est plus simple que celle du feldspath et du schorl, parce que nous savons par expérience que les matières les plus simples sont les plus difficiles à vitrifier, et qu’au contraire celles qui sont composées sont assez aisément fusibles.

Les premiers mélanges de ces verres de nature se sont faits, après la fusion et dans le temps de l’incandescence, par la continuité de l’action du feu ; et les matières qui ont résulté de ces mélanges nous sont représentées par les roches vitreuses de deux ou plusieurs substances, telles que les porphyres, ophites et granits, à la formation desquelles l’eau n’a point eu de part.

  1. J’ai déjà signalé l’erreur commise ici par Buffon et rappelé qu’après les recherches modernes, il est permis d’affirmer qu’un grand nombre de roches appartenant au groupe que Buffon désigne sous le nom de « verres primitifs » sont de formation relativement récente. (Voyez les notes ajoutées aux Époques de la nature, t. II.)