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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/87

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La chaleur excessive du globe vitrifié ayant diminué peu à peu par la déperdition qui s’en est faite, jusqu’au temps où sa surface s’est trouvée assez attiédie pour recevoir les eaux et les autres substances volatiles, sans les rejeter en vapeurs, alors les matières métalliques, sublimées par la violence du feu, et toutes les autres substances volatiles, ainsi que les eaux reléguées dans l’atmosphère, sont tombées successivement, et se sont établies à jamais sur la surface et dans les fentes ou cavités de ce globe.

Le fer, qui de tous les métaux exige le plus grand degré de chaleur pour se fondre, s’est établi le premier et s’est mêlé à la roche vitreuse, lorsqu’elle était encore en état de demi-fusion. Le cuivre, l’argent et l’or, auxquels un moindre degré de feu suffit pour se liquéfier, se sont établis ensuite sous leur forme métallique dans les fentes du quartz et des autres matières vitreuses déjà consolidées ; l’étain et le plomb, ainsi que les demi-métaux et autres matières métalliques, ne pouvant supporter un feu violent sans se calciner, ont pris partout la forme de chaux, et se sont ensuite convertis par l’intermède de l’eau en minerais pyriteux.

À mesure que le globe s’attiédissait, le chaos se débrouillait, l’atmosphère s’épurait, et après la chute entière des matières sublimées, métalliques ou terreuses, et des eaux jusqu’alors réduites en vapeurs, l’air est demeuré pur, sous la forme d’un élément distinct, et séparé de la terre et de l’eau par sa légèreté.

L’air a retenu dès ce temps, et retient encore, une certaine quantité de feu qui nous est représentée par cette matière à laquelle on donne aujourd’hui le nom d’air inflammable, et qui n’est que du feu fixé dans la substance de l’air.

Cet air imprégné de feu, se mêlant avec l’eau, a formé l’acide aérien, dont l’action, s’exerçant sur les matières vitreuses, a produit l’acide vitriolique, et ensuite les acides marins et nitreux, après la naissance des coquillages et des autres corps organisés marins ou terrestres.

Les eaux, élevées d’abord à plus de quinze cents toises au-dessus du niveau de nos mers actuelles, couvraient le globe entier, à l’exception des plus hautes montagnes. Les premiers végétaux et animaux terrestres ont habité ces hauteurs, tandis que les coquillages, les madrépores et les végétaux marins se formaient au sein des eaux.

La multiplication des uns et des autres était aussi prompte que nombreuse, sur une terre et dans des eaux dont la grande chaleur mettait en activité tous les principes de la fécondation.

Il s’est produit dans ce temps des myriades de coquillages qui ont absorbé dans leur substance coquilleuse une immense quantité d’eau, et dont les détriments ont ensuite formé nos montagnes calcaires[NdÉ 1] ; tandis qu’en même temps les arbres et autres végétaux, qui couvraient les terres élevées, produisaient la terre végétale par leur décomposition, et étaient ensuite entraînés avec les pyrites et autres matières combustibles, par le mouvement des eaux, dans les cavités du globe où elles servent d’aliment aux feux souterrains[NdÉ 2].

À mesure que les eaux s’abaissaient, tant par l’absorption des substances coquilleuses que par l’affaissement des cavernes et des boursouflures des premières couches du globe, les végétaux s’étendaient par de grandes accrues sur toutes les terres que les eaux laissaient à découvert par leur retraite, et leurs débris accumulés comblaient les premiers magasins de matières combustibles, ou en formaient de nouveaux dans les profondeurs du globe, qui ne seront épuisés que quand le feu des volcans en aura consumé toutes les matières susceptibles de combustion[NdÉ 3].

  1. Cette vue est très juste.
  2. Opinion plus que problématique.
  3. Buffon attribue aux volcans une action qui est due simplement aux actions chimiques.