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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/99

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trices. Et, comme le fluide électrique peut parcourir en un instant l’espace le plus vaste, en ébranlant tout ce qui se trouve sur son passage, c’est à cette cause que l’on doit rapporter les commotions et les tremblements de terre qui se font sentir, presque dans le même instant, à de très grandes distances ; car, si l’on veut juger de la force prodigieuse des foudres qui produisent les tremblements de terre les plus étendus, que l’on compare l’espace immense et d’un très grand nombre de lieues, que les substances conductrices occupent quelquefois dans le sein de la terre, avec les petites dimensions des nuages qui lancent la foudre des airs, dont la force suffit cependant pour renverser les édifices les plus solides.

On a vu le tonnerre renverser des blocs de rochers de plus de vingt-cinq toises cubes : les conducteurs souterrains peuvent être au moins cinquante mille fois plus volumineux que les nuages orageux : si leur force était en proportion, la foudre qu’ils produisent pourrait donc renverser plus de douze cent mille toises cubes ; et, comme la chaleur intérieure de la terre est beaucoup plus grande que celle de l’atmosphère à la hauteur des nuages, la foudre de ces conducteurs électriques doit être augmentée dans cette proportion, et dès lors on peut dire que cette force est assez puissante pour bouleverser et même projeter plusieurs millions de toises cubes.

Maintenant, si nous considérons le grand nombre de volcans actuellement agissants, et le nombre infiniment plus grand des anciens volcans éteints, nous reconnaîtrons qu’ils forment de larges bandes dans plusieurs directions qui s’étendent autour du globe, et occupent les espaces d’une très longue étendue dans lesquels la terre a été bouleversée, et s’est souvent affaissée au-dessous ou élevée au-dessus de son niveau. C’est surtout dans les régions de la zone torride que se sont faits les plus grands changements. On peut suivre la ruine des continents terrestres et leur abaissement sous les eaux, en parcourant les îles de la mer du Sud. On peut voir, au contraire, l’élévation des terres par l’inspection des montagnes de l’Amérique méridionale, dont quelques-unes sont encore des volcans agissants : on retrouve les mêmes volcans dans les îles de la mer Atlantique, dans celles de l’océan Indien et jusque dans les régions polaires, comme en Islande, en Europe et à la terre de Feu à l’extrémité de l’Amérique. La zone tempérée offre de même, dans les deux hémisphères, une infinité d’indices de volcans éteints ; et l’on ne peut douter que ces énormes explosions, auxquelles l’électricité souterraine a la plus grande part, n’aient très anciennement bouleversé les terres à la surface du globe, à une assez grande profondeur, dans une étendue de plusieurs centaines de lieues en différents sens.

M. Faujas de Saint-Fond, l’un de nos plus savants naturalistes, a entrepris de donner la carte de tous les terrains volcanisés qui se voient à la surface du globe, et dont on peut suivre le cours sous les eaux de la mer, par l’inspection des îles, des écueils et autres fonds volcanisés. Cet infatigable et bon observateur a parcouru tous les terrains qui offrent en Europe des indices du feu volcanique, et il a extrait des voyageurs les renseignements sur cet objet, dans toutes les parties du monde ; il a bien voulu me fournir des notes, en grand nombre, sur tous les volcans de l’Europe, qu’il a lui-même observés : j’ai cru devoir en présenter ici l’extrait, qui ne pourra que confirmer tout ce que nous avons dit sur les causes et les effets de ces feux souterrains.

En prenant le volcan brûlant du mont Hécla, en Islande, pour point de départ, on peut suivre, sans interruption, une assez large zone entièrement volcanisée, où l’observateur ne perd jamais de vue, un seul instant, les laves de toute espèce. Après avoir parcouru cette île, qui n’est qu’un amas de volcans éteints, adossés contre la montagne principale, dont les flancs sont encore embrasés, supposons qu’il s’embarque à la pointe de l’île qui porte le nom de Long-Nez. Il trouvera sur la route Westerhorn, Portland et plusieurs autres îles volcaniques ; il visitera celle de Stroma, remarquable par ses grandes chaussées de basalte, et ensuite les îles de Féroë, où les laves et les basaltes se trouvent mêlés de