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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/123

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de la gorge ; je m’en vis pour lors le maître et courus pour l’enlever : cependant il disputait encore avec la mort, et, s’étant mis sur son dos, il se défendait contre moi avec ses serres toutes ouvertes, en sorte que je ne savais de quel côté le saisir ; je crois même que s’il n’eût pas été blessé à mort, j’aurais eu beaucoup de peine à en venir à bout ; enfin je le traînai du haut du rocher en bas, et avec le secours d’un matelot je le portai dans ma tente pour le dessiner et mettre le dessin en couleur.

» Les ailes du condor, que je mesurai fort exactement, avaient, d’une extrémité à l’autre, onze pieds quatre pouces, et les grandes plumes, qui étaient d’un beau noir luisant, avaient deux pieds deux pouces de longueur ; la grosseur de son bec était proportionnée à celle de son corps, la longueur du bec était de trois pouces et sept lignes, sa partie supérieure était pointue, crochue et blanche à son extrémité, et tout le reste était noir ; un petit duvet court, de couleur minime, couvrait toute la tête de cet oiseau ; ses yeux étaient noirs et entourés d’un cercle brun rouge ; tout son parement et le dessous du ventre, jusqu’à l’extrémité de la queue, était d’un brun clair ; son manteau, de la même couleur, était un peu plus obscur ; les cuisses étaient couvertes jusqu’au genou de plumes brunes, ainsi que celles du parement ; le fémur avait dix pouces et une ligne de longueur, et le tibia cinq pouces et deux lignes ; le pied était composé de trois serres antérieures et d’une postérieure ; celle-ci avait un pouce et demi de longueur et une seule articulation ; cette serre était terminée par un ongle noir et long de neuf lignes ; la serre antérieure du milieu du pied, ou la grande serre, avait cinq pouces huit lignes et trois articulations, et l’ongle qui la terminait avait un pouce neuf lignes et était noir comme sont les autres ; la serre intérieure avait trois pouces deux lignes et deux articulations, et était terminée par un ongle de la même grandeur que celui de la grande serre ; la serre extérieure avait trois pouces et quatre articulations, et l’ongle était d’un pouce ; le tibia était couvert de petites écailles noires, les serres étaient de même, mais les écailles en étaient plus grandes.

» Ces animaux gîtent ordinairement sur les montagnes où ils trouvent de quoi se nourrir ; ils ne descendent sur le rivage que dans la saison des pluies ; sensibles au froid, ils y viennent chercher la chaleur. Au reste, quoique ces montagnes soient situées sous la zone torride, le froid ne laisse pas de s’y faire sentir ; elles sont presque toute l’année couvertes de neiges, mais beaucoup plus en hiver, où nous étions entrés depuis le 21 de ce mois.

» Le peu de nourriture que ces animaux trouvent sur le bord de la mer, excepté lorsque quelque tempête y jette quelques gros poissons, les oblige à n’y pas faire de longs séjours ; ils y viennent ordinairement le soir, y passent toute la nuit et s’en retournent le matin. »