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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/182

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enlève les enfants à leurs parents ; la famille ne se sépare que pour en former de nouvelles.

Il est aisé de reconnaître les pies-grièches de loin, non seulement à cause de cette petite troupe qu’elles forment après le temps des nichées, mais encore à leur vol, qui n’est ni direct, ni oblique à la même hauteur, et qui se fait toujours de bas en haut et de haut en bas, alternativement et précipitamment ; on peut aussi les reconnaître, sans les voir, à leur cri aigu, trouî, trouî, qu’on entend de fort loin, et qu’elles ne cessent de répéter lorsqu’elles sont perchées au sommet des arbres.

Il y a, dans cette première espèce, variété pour la grandeur et variété pour la couleur : nous avons au Cabinet une pie-grièche qui nous a été envoyée d’Italie, et qui ne diffère de la pie-grièche commune que par une teinte de roux sur la poitrine et le ventre[NdÉ 1] ; on en trouve d’absolument blanches dans les Alpes[1], et ces pies-grièches blanches, aussi bien que celles qui ont une teinte de roux sur le ventre, sont de la même grandeur que la pie-grièche grise, qui n’est elle-même pas plus grosse que le mauvis[2], autrement la grive-mauviette[3] ; mais il s’en trouve d’autres en Allemagne et en Suisse qui sont un peu plus grandes, et dont quelques naturalistes ont voulu faire une espèce particulière, quoiqu’il n’y ait aucune autre différence entre ces oiseaux que celle d’un peu plus de grandeur, ce qui pourrait bien provenir de la nourriture, c’est-à-dire de l’abondance ou de la disette des pays qu’ils habitent : ainsi la pie-grièche grise varie, même dans nos climats d’Europe, par la grandeur et par les couleurs ; on ne doit donc pas être surpris si elle varie encore davantage dans des climats plus éloignés, tels que ceux de l’Amérique, de l’Afrique et des Indes ; la pie-grièche grise de la Louisiane est le même oiseau que la pie-grièche grise d’Europe, de laquelle elle paraît différer aussi peu que la pie-grièche d’Italie ; on n’y remarquerait même aucune différence bien sensible, si elle n’était pas un peu plus petite et un peu plus foncée de couleur sur les parties supérieures du corps.

La pie-grièche du cap de Bonne-Espérance[4], la pie-grièche grise du

  1. « Lanius albus. » Aldrov., Avi., t. Ier, p. 387. Cum icone.
  2. « Lanius major. » Gessner, Avi., p. 581. Cum icone. — « Pica cinerea seu lanius major. » Frisch, tab. lix, avec des figures coloriées du mâle et de la femelle.
  3. Elle diffère de la première en ce qu’elle est plus grande et plus grosse, et en ce qu’elle a les plumes scapulaires et les petites couvertures du dessus des ailes d’une couleur roussâtre ; mais comme elle ressemble pour tout le reste à la pie-grièche commune, ces différences, qui peut-être ne sont pas générales ni bien constantes, ne nous paraissent pas suffisantes pour établir une espèce distincte et séparée de la première.
  4. C’est à cette espèce qu’on doit aussi rapporter l’oiseau des Indes orientales, que les Anglais qui fréquentent les côtes du Bengale ont appelé dial-bird (l’horloge ou le cadran), et qui a été indiqué par Albin, t. III, p. 8, avec des figures coloriées du mâle (pl. xvii), et de la femelle (pl. xviii) : « Cette pie-grièche, dit-il, est grande à peu près comme notre
  1. Elle constitue cependant une espèce distincte, à laquelle on a donné le nom de Lanius minor [Note de Wikisource : actuellement Lanius minor Gmelin, vulgairement pie-grièche à poitrine rose].