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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/193

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duc ou grand duc ; 2o le hibou ou moyen duc ; 3o le scops ou petit duc ; mais nous ne pouvons réduire à moins de cinq les espèces du genre de la chouette, et ces espèces sont : 1o la hulotte ou huette ; 2o le chat-huant ; 3o l’effraie ou fresaie ; 4o la chouette ou grande chevêche ; 5o la chevêche ou petite chouette : ces huit espèces se trouvent toutes en Europe et même en France ; quelques-unes ont des variétés qui paraissent dépendre de la différence des climats ; d’autres ont des représentants dans le nouveau continent ; la plupart des hiboux et des chouettes de l’Amérique ne diffèrent pas assez de celles de l’Europe, pour qu’on ne puisse leur supposer une même origine.

Aristote fait mention de douze espèces d’oiseaux qui voient dans l’obscurité et volent pendant la nuit ; et comme dans ces douze espèces il comprend l’orfraie et le tête-chèvre ou crapaud-volant sous les noms de phinis et d’ægotilas, et trois autres sous les noms de capriceps, de chalcis et de charadrios, qui sont du nombre des oiseaux pêcheurs et habitants des marais ou des rives des eaux et des torrents, il paraît qu’il a réduit à sept espèces tous les hiboux et toutes les chouettes qui étaient connus en Grèce de son temps ; le hibou ou moyen duc, qu’il appelle ὠτός, otus, précède et conduit, dit-il, les cailles lorsqu’elles partent pour changer de climat[1], et c’est par cette raison qu’on appelle cet oiseau dux ou duc : l’étymologie me paraît sûre, mais le fait est plus qu’incertain ; il est vrai que les cailles, qui, lorsqu’elles partent en automne, sont surchargées de graisse, ne volent guère que la nuit, et qu’elles se reposent pendant le jour à l’ombre pour éviter la chaleur, et que par conséquent on a pu s’apercevoir que le hibou accompagnait ou précédait quelquefois ces troupes de cailles ; mais il ne paraît par aucune observation, par aucun témoignage bien constaté, que le hibou soit, comme la caille, un oiseau de passage ; le seul fait que j’aie trouvé dans les voyageurs qui aille à l’appui de cette opinion, est dans la préface de l’Histoire naturelle de la Caroline par Catesby ; il dit : « qu’à vingt-six degrés de latitude nord, à peu près entre les deux continents d’Afrique et d’Amérique, c’est-à-dire à six cents lieues environ de l’un et de l’autre, il vit en allant à la Caroline un hibou au-dessus du vaisseau où il était, ce qui le surprit d’autant plus, que ces oiseaux ayant des ailes courtes ne peuvent voler fort loin, et sont aisément lassés par les enfants, ce qui arrive tout au plus à la troisième volée ; il ajoute que ce hibou disparut après avoir fait des tentatives pour se reposer sur le vaisseau[2]. »

On peut dire en faveur du fait que tous les hiboux et toutes les chouettes n’ont pas les ailes courtes, puisque dans la plupart de ces oiseaux elles

  1. « Cùm coturnices adeunt loca, sine ducibus pergunt ; at cùm hinc abeunt, ducibus lingulaca, oto et matrice proficiscuntur. » Aristote, Hist. anim., lib. viii, cap. xii.
  2. Hist. nat. de la Caroline, par M. Catesby. Préface, p. 7.