Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la peau en pelotes arrondies ; il mange aussi les chauves-souris, les serpents, les lézards, les crapauds, les grenouilles, et en nourrit ses petits ; il chasse alors avec tant d’activité que son nid regorge de provisions ; il en rassemble plus qu’aucun autre oiseau de proie[NdÉ 1].

On garde ces oiseaux dans les ménageries à cause de leur figure singulière[NdÉ 2] ; l’espèce n’en est pas aussi nombreuse en France que celle des autres hiboux, et il n’est pas sûr qu’ils restent au pays toute l’année ; ils y nichent cependant quelquefois sur des arbres creux, et plus souvent dans des cavernes de rochers ou dans des trous de hautes et vieilles murailles ; leur nid a près de trois pieds de diamètre, et est composé de petites branches de bois sec entrelacées de racines souples et garni de feuilles en dedans : on ne trouve souvent qu’un œuf ou deux dans ce nid, et rarement trois ; la couleur de ces œufs tire un peu sur celle du plumage de l’oiseau ; leur grosseur excède celle des œufs de poule : les petits sont très voraces, et les pères et mères très habiles à la chasse qu’ils font dans le silence et avec beaucoup plus de légèreté que leur grosse corpulence ne paraît le permettre ; souvent ils se battent avec les buses, et sont ordinairement les plus forts et les maîtres de la proie qu’ils leur enlèvent ; ils supportent plus aisément la lumière du jour que les autres oiseaux de nuit, car ils sortent de meilleure heure le soir et rentrent plus tard le matin. On voit quelquefois le duc assailli par des troupes de corneilles qui le suivent au vol et l’environnent par milliers ; il soutient leur choc[1], pousse des cris plus forts qu’elles et finit par les disperser, et souvent par en prendre quelqu’une lorsque la lumière du jour baisse : quoiqu’ils aient les ailes plus courtes que la plupart des oiseaux de haut vol, ils ne laissent pas de s’élever assez haut,

    morceaux ; lorsqu’on jetait des souris à cet oiseau, il leur brisait les côtes et les autres os avec son bec, puis il les avalait l’une après l’autre, quelquefois jusqu’à cinq de suite ; au bout de quelques heures, les poils et les os se rassemblaient, se pelotonnaient dans son estomac par petites masses, après quoi il les ramenait en haut et les rejetait par le bec ; au défaut d’autre pâture, il mangeait toute sorte de poissons de rivière, petits et moyens et après avoir de même brisé et pelotonné les arêtes dans son estomac, il les ramenait le long de son cou et les rejetait par le bec : il ne voulait point du tout boire, ce que j’ai observé de même de quelques oiseaux de proie diurnes. — Nota qu’à la vérité ces oiseaux peuvent se passer de boire, mais que cependant, quand ils sont à portée, ils boivent en se cachant. Voyez, sur cela, l’article du jean-le-blanc.

  1. « Fortissima avis sæpius valde tumultuatur inter millenarii numeri cornices. » Klein, Avi., p. 54 et suiv.
  1. D’après Wodzicki, une famille de paysans put se nourrir, pendant plusieurs jours, des restes d’animaux tués par un couple de grands ducs, qui avait établi son nid au milieu des roseaux d’un marais.
  2. Le grand duc d’Afrique s’attache, paraît-il, assez facilement à l’homme. Le grand duc d’Europe est plus sauvage et ne s’apprivoise jamais complètement. Cependant Brehm dit : « J’en ai vu un chez mon ami Meves, à Stockholm, que l’on peut prendre et caresser ; il arrive quand on l’appelle par son nom ; on peut même le laisser en liberté ; il fait de petites excursions, mais rentre toujours régulièrement. »