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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/201

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surtout à l’heure du crépuscule ; mais ordinairement ils ne volent que bas et à de petites distances dans les autres heures du jour. On se sert du duc dans la fauconnerie pour attirer le milan ; on attache au duc une queue de renard pour rendre sa figure encore plus extraordinaire ; il vole à fleur de terre et se pose dans la campagne sans se percher sur aucun arbre ; le milan, qui l’aperçoit de loin, arrive et s’approche du duc, non pas pour le combattre ou l’attaquer, mais comme pour l’admirer, et il se tient auprès de lui assez longtemps pour se laisser tirer par le chasseur, ou prendre par les oiseaux de proie qu’on lâche à sa poursuite : la plupart des faisandiers tiennent aussi dans leur faisanderie un duc qu’ils mettent toujours en cage sur des juchoirs dans un lieu découvert, afin que les corbeaux et les corneilles s’assemblent autour de lui, et qu’on puisse tirer et tuer un plus grand nombre de ces oiseaux criards qui inquiètent beaucoup les jeunes faisans ; et pour ne pas effrayer les faisans on tire les corneilles avec une sarbacane[1].

On a observé, à l’égard des parties intérieures de cet oiseau, qu’il a la langue courte et assez large, l’estomac très ample, l’œil enfermé dans une tunique cartilagineuse en forme de capsule, et le cerveau recouvert d’une simple tunique[NdÉ 1] plus épaisse que celle des autres oiseaux, qui, comme les animaux quadrupèdes, ont deux membranes qui recouvrent la cervelle[2].

Il paraît qu’il y a dans cette espèce une première variété qui semble en renfermer une seconde : toutes deux se trouvent en Italie et ont été indiquées par Aldrovande ; on peut appeler l’un le duc aux ailes noires[3], et le second le duc aux pieds nus[4] ; le premier ne diffère en effet du grand duc commun que par les couleurs qu’il a plus brunes ou plus noires sur les ailes, le dos et la queue ; et le second[NdÉ 2], qui ressemble en entier à celui-ci par ces couleurs plus noires, n’en diffère que par la nudité des jambes et des pieds qui sont très peu fournis de plumes ; ils ont aussi tous deux les jambes plus menues et moins fortes que le duc commun.

Indépendamment de ces deux variétés qui se trouvent dans nos climats, il y en a d’autres dans des climats plus éloignés : le duc blanc de La-

  1. Voyez Frisch, à l’article du grand duc.
  2. Vide Schwenckfeld, Theriotrop. Sil., p. 308. — Ceux qui voudront avoir des connaissances exactes sur la structure des parties intérieures des oiseaux de ce genre les trouveront dans les observations 51 et 52 de Jean de Muralto : Éphémérides des curieux de la nature, ann. 1682 ; et Coll. Acad., part. étrangère, t. III, p. 474 et 475.
  3. Bubo noster. Aldrov., Avi., t. Ier, p. 508. — Grand duc aux ailes noires. Albin, t. III, p. 3. — Le grand duc d’Italie. Brisson, t. Ier, p. 482. — Le grand hibou cornu d’Athènes. Edwards, Glanures, p. 37, pl. ccxxvii.
  4. Bubo noster. Aldrov., Avi., t. Ier, p. 508. — Le grand duc déchaussé. Brisson, t. Ier, p. 483.
  1. Buffon commet ici une erreur. Le cerveau du grand duc est pourvu, comme celui de tous les autres oiseaux, de trois membranes qui sont de dehors en dedans : la dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère.
  2. Gmelin a fait de celui-ci une espèce véritable sous le nom de Strix ceylanensis, qui doit devenir : Bubo ceylanensis. [Note de Wikisource : Le Strix ceylanensis de Gmelin est actuellement désigné Ketoupa zeylonensis Gmelin, vulgairement kétoupa brun. Cependant, Gmelin n’a jamais prétendu identifier cet oiseau asiatique avec le duc aux pieds nus européen, qui n’est effectivement qu’une variété du grand-duc d’Europe.]