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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/207

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sirènes ; il est encore croyable qu’il a été jusqu’à présent inconnu aux modernes, puisqu’ils n’en ont point parlé comme l’ayant vu, mais seulement comme ayant lu dans les écrits des anciens la description d’un oiseau appelé scops et otus par les Grecs, et asio par les Latins, à qui ils avaient donné le nom de danseur, de bateleur et de comédien, de sorte qu’il s’agit de voir si notre demoiselle de Numidie peut passer pour le scops et pour l’otus des anciens ; la description qu’ils nous ont laissée de l’otus ou scops consiste en trois particularités remarquables… la première est d’imiter les gestes… la seconde est d’avoir des éminences de plumes aux deux côtés de la tête en forme d’oreilles… et la troisième est la couleur du plumage, qu’Alexandre Myndien, dans Athénée, dit être de couleur de plomb : or la demoiselle de Numidie a ces trois attributs, et Aristote semble avoir voulu exprimer leur manière de danser, qui est de sauter l’une devant l’autre, lorsqu’il dit qu’on les prend quand elles dansent l’une contre l’autre. Belon croit néanmoins que l’otus d’Aristote est le hibou, par la seule raison que cet oiseau, à ce qu’il dit, fait beaucoup de mines avec la tête ; la plupart des interprètes d’Aristote, qui sont aussi de notre opinion, se fondent sur le nom d’otus, qui signifie ayant des oreilles ; mais ces espèces d’oreilles dans ces oiseaux ne sont pas tout à fait particulières au hibou, et Aristote fait assez voir que l’otus n’est pas le hibou, quand il dit que l’otus ressemble au hibou, et il y a apparence que cette ressemblance ne consiste que dans ces oreilles : toutes les demoiselles de Numidie que nous avons disséquées avaient aux côtés des oreilles ces plumes qui ont donné le nom à l’otus des anciens… Leur plumage était d’un gris cendré, tel qu’il est décrit par Alexandre Myndien dans l’otus. »

Comparons maintenant ce qu’Aristote dit de l’otus avec ce qu’en disent ici MM. de l’Académie : « Otus noctuæ similis est, pinnulis circiter aures eminentibus præditus, unde nomen accepit, quasi auritum dicas ; nonnulli eum ululam appellant, alii asionem. Blatero hic est, et hallucinator et planipes, saltantes enim imitatur. Capitur intentus in altero aucupe, altero circumeunte ut noctua. » L’otus, c’est-à-dire le hibou ou moyen duc, est semblable au noctua, c’est-à-dire au chat-huant ; ils sont, en effet, semblables soit par la grandeur, soit par le plumage, soit par toutes les habitudes naturelles : tous deux ils sont oiseaux de nuit, tous deux du même genre et d’une espèce très voisine, au lieu que la demoiselle de Numidie est six fois plus grosse et plus grande, d’une forme toute différente et d’un genre très éloigné, et qu’elle n’est point du nombre des oiseaux de nuit ; l’otus ne diffère, pour ainsi dire, du noctua que par les aigrettes de plumes qu’il porte sur la tête, auprès des oreilles, et c’est pour distinguer l’un de l’autre qu’Aristote dit : « pinnulis circiter aures eminentibus præditus, unde nomen accepit quasi auritum dicas. » Ce sont de petites plumes, pinnulæ, qui s’élèvent droites et en aigrette auprès des oreilles, circiter aures eminentibus,