Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et non pas de longues plumes qui se rabattent et qui pendent de chaque côté de la tête, comme dans la demoiselle de Numidie ; ce n’est donc pas de cet oiseau, qui n’a point d’aigrettes de plumes relevées et en forme d’oreilles, qu’a été tiré le nom de otus, quasi auritus ; c’est, au contraire, du hibou, qu’on pourrait appeler noctua aurita, que vient évidemment ce nom, et ce qui achève de le démontrer, c’est ce qui suit immédiatement dans Aristote : nonnulli eum (otum) ululam appellent, alii asionem. C’est donc un oiseau du genre des hiboux et des chouettes, puisque quelques-uns lui donnaient ces noms ; ce n’est donc point la demoiselle de Numidie, aussi différente de tous ces oiseaux qu’un dindon peut l’être d’un épervier. Rien, à mon avis, n’est donc plus mal fondé que tous ces prétendus rapports que l’on a voulu établir entre l’otus des anciens et l’oiseau appelé demoiselle de Numidie, et l’on voit bien que tout cela ne porte que sur les gestes et les mouvements ridicules que se donne la demoiselle de Numidie ; elle a, en effet, ces gestes bien supérieurement au hibou ; mais cela n’empêche pas que celui-ci, aussi bien que la plupart des oiseaux de nuit, ne soit blatero, bavard ou criard[1] ; hallucinator, se contrefaisant ; planipes, bouffon. Ce n’est encore qu’au hibou qu’on peut attribuer de se laisser prendre aussi aisément que les autres chouettes, comme le dit Aristote, etc. Je pourrais m’étendre encore plus sur cette critique en exposant et comparant ce que dit Pline à ce sujet ; mais en voilà plus qu’il n’en faut pour mettre la chose hors de doute et pour assurer que l’otos des Grecs n’a jamais pu désigner la demoiselle de Numidie et ne peut s’appliquer qu’à l’oiseau de nuit auquel nous donnons le nom de hibou ou moyen duc ; j’observerai seulement que tous ces mouvements bouffons ou satyriques attribués au hibou par les anciens appartiennent aussi à presque tous les oiseaux de nuit[2], et que dans le fait ils se réduisent à une contenance étonnée, à de fréquents tournements de cou, à des mouvements de tête en haut, en bas et de tous côtés, à des craquements de bec, à des trépidations de jambes et des mouvements de pieds, dont ils portent un doigt tantôt en arrière et tantôt en avant, et qu’on peut aisément remarquer tout cela en gardant quelques-uns de ces oiseaux en captivité ; mais j’observerai encore qu’il faut les prendre très jeunes lorsqu’on veut les nourrir ; les autres refusent toute la nourriture qu’on leur présente dès qu’ils sont enfermés.


  1. M. Frisch, en parlant de ce hibou, dit que son cri est très fréquent et fort, qu’il ressemble aux huées des enfants lorsqu’ils poursuivent quelqu’un dont ils se moquent, que cependant ce cri est commun à plusieurs espèces de chouettes. (Voyez Frisch, à l’article des oiseaux nocturnes.)
  2. Tous les hiboux peuvent tourner leur tête comme l’oiseau appelé torcol. Si quelque chose d’extraordinaire arrive, ils ouvrent de grands yeux, dressent leurs plumes et paraissent une fois plus gros ; ils étendent aussi les ailes, se baissent ou s’accroupissent, mais ils se relèvent promptement, comme étonnes ; ils font craquer deux ou trois fois leur bec. Idem, ibidem.