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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/217

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mage ; elle est à peu près de la même grandeur que le chat-huant, plus petite que la hulotte, et plus grande que la chouette proprement dite, dont nous parlerons dans l’article suivant ; elle a un pied ou treize pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l’extrémité de la queue, qui n’a que cinq pouces de longueur ; elle a le dessus du corps jaune, ondé de gris et de brun et taché de points blancs ; le dessous du corps blanc, marqué de points noirs ; les yeux environnés très régulièrement d’un cercle de plumes blanches et si fines, qu’on les prendrait pour des poils ; l’iris d’un beau jaune, le bec blanc, excepté le bout du crochet, qui est brun ; les pieds couverts de duvet blanc, les doigts blancs et les ongles noirâtres ; il y en a d’autres qui, quoique de la même espèce, paraissent au premier coup d’œil être assez différentes ; elles sont d’un beau jaune sur la poitrine et sur le ventre, marquées de même de points noirs ; d’autres sont parfaitement blanches sur ces mêmes parties, sans la plus petite tache noire ; d’autres enfin sont parfaitement jaunes et sans aucune tache[NdÉ 1].

J’ai eu plusieurs de ces chouettes vivantes : il est fort aisé de les prendre en opposant un petit filet, une trouble à poissons, aux trous qu’elles occupent dans les vieux bâtiments ; elles vivent dix ou douze jours dans les volières où elles sont renfermées, mais elles refusent toute nourriture, et meurent d’inanition au bout de ce temps[NdÉ 2]. Le jour elles se tiennent sans bouger au bas de la volière ; le soir elles montent au sommet des juchoirs, où elles font entendre leur soufflement, che, chei, par lequel elles semblent appeler les autres : j’ai vu plusieurs fois, en effet, d’autres effraies arriver au soufflement de l’effraie prisonnière, se poser au-dessus de la volière, y faire le même soufflement, et s’y laisser prendre au filet. Je n’ai jamais entendu leur cri âcre (stridor) crei, grei dans les volières ; elles ne poussent ce cri qu’en volant et lorsqu’elles sont en pleine liberté ; la femelle est un peu plus grosse que le mâle, et a les couleurs plus claires et plus distinctes ; c’est de tous les oiseaux nocturnes celui dont le plumage est le plus agréablement varié.

L’espèce de l’effraie est nombreuse[NdÉ 3], et partout très commune en Europe ; comme on la voit en Suède aussi bien qu’en France[1], elle a pu

  1. « Strix capite lævi, corpore luteo. » Linn., Faun. Suec., no 49. — Nota. M. Salerne s’est trompé lorsqu’il a dit que Linnæus n’en parle point, et qu’apparemment la fresaie ne se trouve point en Suède. Voyez Salerne, Ornithol., p. 50.
  1. L’effraie est rendue très remarquable par sa face en forme de cœur allongé.
  2. Pendant le jour l’effraie vit absolument immobile dans son trou et ne se laisse distraire par aucun bruit.
  3. Elle paraît être répandue à peu près dans le monde entier. Dans notre pays elle habite les clochers, les vieux châteaux ; dans le nord elle habite surtout les grandes forêts ; dans les montagnes elle ne s’élève pas au-dessus de la région des arbres. Pendant l’hiver elle émigre parfois par petites troupes, composées de jeunes et de femelles qui descendent vers le midi.