Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la forme extérieure de l’œil ; j’ajouterai seulement ici que sa structure interne est celle qu’on observe ordinairement dans les oiseaux. M. Ramby prétend que le globe tiré de son orbite prend de lui-même une forme presque triangulaire[1] ; il a aussi trouvé l’humeur aqueuse en plus grande quantité, et l’humeur vitrée en moindre quantité qu’à l’ordinaire[2].

Les narines sont dans le bec supérieur, non loin de sa base ; il s’élève du milieu de chacune des deux ouvertures une protubérance cartilagineuse revêtue d’une membrane très fine, et ces ouvertures communiquent avec le palais par deux conduits qui y aboutissent dans une fente assez considérable ; on se tromperait si l’on voulait conclure de la structure un peu compliquée de cet organe que l’autruche excelle par le sens de l’odorat ; les faits les mieux constatés nous apprendront bientôt tout le contraire, et il paraît en général que les sensations principales et dominantes de cet animal sont celles de la vue et du sixième sens.

Cet exposé succinct de l’organisation intérieure de l’autruche est plus que suffisant pour confirmer l’idée que j’ai donnée d’abord de cet animal singulier qui doit être regardé comme un être de nature équivoque, et faisant la nuance entre le quadrupède et l’oiseau[3] ; sa place, dans une méthode où l’on se proposerait de représenter le vrai système de la nature, ne serait ni dans la classe des oiseaux, ni dans celle des quadrupèdes, mais sur le passage de l’une à l’autre[NdÉ 1] ; en effet, quel autre rang assigner à un animal dont le corps, mi-parti d’oiseau et de quadrupède, est porté sur des pieds de quadrupède et surmonté par une tête d’oiseau, dont le mâle a une verge, et la femelle un clitoris, comme les quadrupèdes, et qui néanmoins est ovipare, qui a un gésier comme les oiseaux, et en même temps plusieurs estomacs et des intestins qui, par leur capacité et leur structure, répondent en partie à ceux des ruminants, en partie à ceux d’autres quadrupèdes ?

Dans l’ordre de la fécondité, l’autruche semble encore appartenir de plus près à la classe des quadrupèdes qu’à celle des oiseaux, car elle est très féconde et produit beaucoup. Aristote dit qu’après l’autruche, l’oiseau qu’il nomme atricapilla[NdÉ 2] est celui qui pond le plus ; et il ajoute que cet oiseau, atricapilla, pond vingt œufs et davantage : d’où il suivrait que l’autruche en pond au moins vingt-cinq ; d’ailleurs, selon les historiens modernes et les voyageurs les plus instruits, elle fait plusieurs couvées de douze ou

  1. Transactions philosophiques, no 413.
  2. Ibidem, no 386.
  3. « Partim avis, partim quadrupes », dit très bien Aristote, lib. iv, de partibus animalium, cap. ultimo.
  1. L’autruche n’est pas le moins du monde un animal de passage entre les oiseaux et les mammifères. Sa grande taille, ses ailes rudimentaires, peuvent seules servir de prétexte aux vues très superficielles émises ici par Buffon ; il se laisse souvent entraîner à établir des analogies entre des animaux qui n’ont aucune ressemblance.
  2. D’après Cuvier, l’Atricapilla d’Aristote serait le Gobe-mouche à collier.