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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/248

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Les autruches passent pour être fort lascives et s’accoupler souvent ; et si l’on se rappelle ce que j’ai dit ci-dessus des dimensions de la verge du mâle, on concevra que ces accouplements ne se passent point en simples compressions, comme dans presque tous les oiseaux, mais qu’il y a une intromission réelle des parties sexuelles du mâle dans celles de la femelle. Thévenot est le seul qui dise qu’elles s’assortissent par paires, et que chaque mâle n’a qu’une femelle, contre l’usage des oiseaux pesants[1].

Le temps de la ponte dépend du climat qu’elles habitent, et c’est toujours aux environs du solstice d’été, c’est-à-dire au commencement de juillet, dans l’Afrique septentrionale[2], et sur la fin de décembre dans l’Afrique méridionale[3]. La température du climat influe aussi beaucoup sur leur manière de couver ; dans la zone torride, elles se contentent de déposer leurs œufs sur un amas de sable qu’elles ont formé grossièrement avec leurs pieds, et où la seule chaleur du soleil les fait éclore ; à peine les couvent-elles pendant la nuit, et cela même n’est pas toujours nécessaire, puisqu’on en a vu éclore qui n’avaient point été couvés par la mère, ni même exposés aux rayons du soleil[4] ; mais quoique les autruches ne couvent point ou que très peu leurs œufs, il s’en faut beaucoup qu’elles les abandonnent : au contraire, elles veillent assidûment à leur conservation, et ne les perdent guère de vue ; c’est de là qu’on a pris occasion de dire qu’elles les couvaient des yeux, à la lettre, et Diodore rapporte une façon de prendre ces animaux, fondée sur leur grand attachement pour leur couvée : c’est de planter en terre, aux environs du nid et à une juste hauteur, des pieux armés de pointes bien acérées, dans lesquelles la mère s’enferre d’elle-même lorsqu’elle revient avec empressement se poser sur ses œufs[5].

Quoique le climat de la France soit beaucoup moins chaud que celui de la Barbarie, on a vu des autruches pondre à la ménagerie de Versailles ; mais MM. de l’Académie ont tenté inutilement de faire éclore ces œufs par une incubation artificielle, soit en employant la chaleur du soleil ou celle d’un feu gradué et ménagé avec art ; ils n’ont jamais pu parvenir à découvrir dans les uns ni dans les autres aucune organisation commencée, ni même aucune disposition apparente à la génération d’un nouvel être ; le jaune et le blanc de celui qui avait été exposé au feu s’étaient un peu épaissis ; celui qui avait été mis au soleil avait contracté une très mauvaise odeur, et aucun ne présentait la moindre apparence d’un fœtus ébauché[6], en sorte que cette

  1. Voyages de Thévenot, t. Ier, p. 313.
  2. Albert, De animal., lib. xxiii.
  3. Voyage de Dampierre autour du monde, t. II, p. 251.
  4. Jannequin, étant au Sénégal, mit dans sa cassette deux œufs d’autruche bien enveloppés d’étoupes ; quelque temps après il trouva que l’un de ces œufs était près d’éclore. Voyez Histoire générale des voyages, t. II, p. 458.
  5. De fabulosis antiquorum gestis.
  6. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 138.