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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/267

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fruits[1], mais si on les eût mieux observés, on eût reconnu, sans doute, pour laquelle de ces deux sortes de nourriture ils ont un appétit de préférence ; au défaut des faits on peut conjecturer que ces oiseaux, ayant le même instinct que celui des autruches et des frugivores, qui est d’avaler des pierres, du fer et autres corps durs[2], ils sont aussi frugivores, et que s’ils mangent quelquefois de la chair[NdÉ 1], c’est, ou parce qu’ils sont pressés par la faim, ou qu’ayant les sens du goût et de l’odorat obtus comme l’autruche, ils avalent indistinctement tout ce qui se présente.

Nieremberg conte des choses fort étranges au sujet de leur propagation : selon lui, c’est le mâle qui se charge de couver les œufs ; pour cela il fait en sorte de rassembler vingt ou trente femelles, afin qu’elles pondent dans un même nid ; dès qu’elles ont pondu, il les chasse à grands coups de bec, et vient se poser sur leurs œufs, avec la singulière précaution d’en laisser deux à l’écart qu’il ne couve point ; lorsque les autres commencent à éclore, ces deux-là se trouvent gâtés, et le mâle prévoyant ne manque pas d’en casser un, qui attire une multitude de mouches, de scarabées et d’autres insectes dont les petits se nourrissent ; lorsque le premier est consommé, le couveur entame le second et s’en sert au même usage[3] : il est certain que tout cela a pu arriver naturellement ; il a pu se faire que des œufs inféconds se soient cassés par accident, qu’ils aient attiré des insectes, lesquels aient servi de pâture aux jeunes touyous ; il n’y a que l’intention du père qui soit suspecte ici, car ce sont toujours ces intentions qu’on prête assez légèrement aux bêtes, qui font le roman de l’histoire naturelle.

À l’égard de ce mâle qui se charge, dit-on, de couver à l’exclusion des femelles, je serais fort porté à douter du fait, et comme peu avéré et comme contraire à l’ordre de la nature[NdÉ 2] : mais ce n’est pas assez d’indiquer une erreur, il faut, autant qu’on peut, en découvrir les causes, qui remontent quelquefois jusqu’à la vérité ; je croirais donc volontiers que celle-ci est fondée sur ce qu’on aura trouvé à quelques couveuses des testicules[NdÉ 3], et peut-être une apparence de verge comme on en voit à l’autruche

  1. Marcgrave, Hist. nat. Bras., ubi suprà.
  2. Idem, ubi suprà. — Wafer, Suite des Voyages de Dampier, t. XIV, p. 308.
  3. Nieremberg, Hist. nat. Peregr., p. 217.
  1. L’autruche d’Amérique se nourrit surtout d’herbes ; elle mange aussi des graines et rend de grands services en consommant une énorme quantité de graines épineuses. On sait que ces dernières sont très préjudiciables aux troupeaux et surtout aux moutons ; elles s’empêtrent dans la laine et la rende impropre à tous usages. Les Nandous mangent aussi des insectes et même des lézards et des serpents.
  2. Il est exact que chez les Nandous, comme chez les autruches, c’est le mâle qui couve les œufs.
  3. Buffon retombe sans cesse dans son erreur relative à la présence de testicules chez les femelles.