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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/266

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Son corps est de forme ovoïde et paraît presque entièrement rond, lorsqu’il est revêtu de toutes ses plumes : ses ailes sont très courtes et inutiles pour le vol, quoiqu’on prétende qu’elles ne sont pas inutiles pour la course ; il a sur le dos et aux environs du croupion de longues plumes qui lui tombent en arrière et recouvrent l’anus, il n’a point d’autre queue ; tout ce plumage est gris sur le dos et blanc sur le ventre : c’est un oiseau très haut monté, ayant trois doigts à chaque pied, et tous trois en avant, car on ne doit pas regarder comme un doigt ce tubercule calleux et arrondi qu’il a en arrière, et sur lequel le pied se repose comme sur une espèce de talon ; on attribue à cette conformation la difficulté qu’il a de se tenir sur un terrain glissant et d’y marcher sans tomber ; en récompense il court très légèrement en pleine campagne, élevant tantôt une aile, tantôt une autre, mais avec des intentions qui ne sont pas encore bien éclaircies ; Marcgrave prétend que c’est afin de s’en servir comme d’une voile pour prendre le vent ; Nieremberg, que c’est pour rendre le vent contraire aux chiens qui le poursuivent ; Pison et Klein, pour changer souvent la direction de sa course, afin d’éviter par ces zigzags les flèches des sauvages ; d’autres enfin qu’il cherche à s’exciter à courir plus vite, en se piquant lui-même avec une espèce d’aiguillon dont ses ailes sont armées[1] : mais, quoi qu’il en soit des intentions des touyous, il est certain qu’ils courent avec une très grande vitesse, et qu’il est difficile à aucun chien de chasse de pouvoir les atteindre[NdÉ 1] ; on en cite un qui, se voyant coupé, s’élança avec une telle rapidité qu’il en imposa aux chiens et s’échappa vers les montagnes[2] : dans l’impossibilité de les forcer, les sauvages sont réduits à user d’adresse et à leur tendre des pièges pour les prendre[3]. Marcgrave dit qu’ils vivent de chair et de

  1. Voyez tous ces auteurs aux endroits indiqués ci-dessus ; mais il faut remarquer que Pison, Marcgrave, ni aucun autre qui ait vu le touyou, ne parle de cet aiguillon de l’aile, et qu’il pourrait bien avoir été donné à cet oiseau seulement par analogie ou parce qu’on a cru pouvoir lui attribuer, en sa qualité d’autruche, les propriétés de l’autruche d’Afrique, suite inévitable de la confusion des noms.
  2. Navigations aux terres australes, p. 20 et 27.
  3. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 316.
  1. Afin d’approcher les Nandous, on emploie, paraît-il, souvent, un moyen que Brehm décrit de la façon suivante : « Le chasseur se tient sous le vent, avance en rampant sur les pieds et sur les mains, et agite un morceau d’étoffe dans le but d’attirer l’attention de ces oiseaux qui sont fort curieux et ne peuvent résister à la tentation de voir quelque chose de nouveau. Les Nandous, dont l’attention est éveillée par cette manœuvre, gardent d’abord quelque défiance ; mais la curiosité l’emporte, et bientôt le chasseur voit la bande arriver, le mâle en tête, marchant tous le cou tendu, craignant, dirait-on, de faire du bruit. Ils vont, en même temps, de côté et d’autre, s’arrêtent, reculent ; mais si le chasseur n’a pas perdu toute patience, ils finissent par venir à quelques pas de lui. Lorsqu’on a pu approcher d’un troupeau de ces oiseaux, que l’un d’eux est tombé, les autres l’entourent aussi longtemps qu’il s’agite et en exécutant les bonds les plus singuliers : on dirait que leurs ailes et leurs pattes sont atteintes de convulsions. Le chasseur a tout le temps de tirer un second coup. La détonation ne les effraye pas ; lorsqu’on les manque, au lieu de s’enfuir, ils s’avancent pour voir la cause du bruit qui les a frappés. »