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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/276

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avale tout ce qu’on lui jette, c’est-à-dire tout corps dont le volume est proportionné à l’ouverture de son bec. Frisch ne voit avec raison, dans cette habitude, qu’un trait de conformité avec les gallinacés, qui avalent leurs aliments tout entiers et sans les briser dans leur bec[1] ; mais les Hollandais, qui paraissent avoir voulu rendre plus intéressante l’histoire de cet oiseau, déjà si singulier, en y ajoutant du merveilleux, n’ont pas manqué de dire, comme on l’a dit de l’autruche, qu’il avalait non seulement les pierres, le fer, les glaçons, etc., mais encore des charbons ardents, et sans même en paraître incommodé[2].

On dit aussi qu’il rend très promptement ce qu’il a pris[3], et quelquefois des pommes de la grosseur du poing, aussi entières qu’il les avait avalées[4] ; et, en effet, le tube intestinal est si court, que les aliments doivent passer très vite ; et ceux qui, par leur dureté, sont capables de quelque résistance, doivent éprouver peu d’altération dans un si petit trajet, surtout lorsque les fonctions de l’estomac sont dérangées par quelque maladie : on a assuré à Clusius que, dans ce cas, il rendait quelquefois les œufs de poule, dont il était fort friand, tels qu’il les avait pris, c’est-à-dire bien entiers avec la coque, et que les avalant une seconde fois il les digérait bien[5]. Le fond de nourriture de ce même casoar, qui était celui du comte de Solms, était du pain blanc coupé par gros morceaux, ce qui prouve qu’il est frugivore, ou plutôt il est omnivore, puisqu’il dévore, en effet, tout ce qu’on lui présente, et que s’il a le jabot et le double estomac des animaux qui vivent de matières végétales[6], il a les courts intestins des animaux carnassiers ; le tube intestinal de celui qui a été disséqué par MM. de l’Académie avait quatre pieds huit pouces de long et deux pouces de diamètre dans toute son étendue ; le cæcum était double et n’avait pas plus d’une ligne de diamètre sur trois, quatre et cinq pouces de longueur[7] : à ce compte, le casoar a les intestins treize fois plus courts que l’autruche, ou du moins de celles qui les ont le plus longs ; et, par cette raison, il doit être encore plus vorace et avoir plus de disposition à manger de la chair[NdÉ 1] ; c’est ce dont on

  1. Frisch, p. et fig. 105.
  2. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 112.
  3. Voyages des Hollandais, t. VII, p. 349.
  4. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 112.
  5. Clusius, Exotic., lib. v, cap. iii, p. 99.
  6. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 155, 156, 157 et 170. Il y a dans ce dernier endroit une ligne omise au bas de la page qui indiquait la différence qui se trouve entre les ventricules dans divers individus ; cette différence consiste, si je ne me trompe, en ce qu’ils sont tantôt musculeux et tantôt membraneux, structure indécise et qui convient assez à la nature équivoque d’un animal qui n’est proprement ni oiseau, ni quadrupède, et qui réunit les estomacs des granivores avec les intestins des carnassiers.
  7. Animaux de Perrault, p. 163.
  1. Le casoar mange, en effet, volontiers de la viande. Il avale fréquemment les petits poulets ou les canetons que l’on met à sa portée.