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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/275

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Les cuisses et les jambes sont revêtues de plumes presque jusqu’auprès du genou, et ces plumes tiraient au gris de cendre dans le sujet observé par Clusius ; les pieds, qui sont très gros et très nerveux, ont trois doigts, et non pas quatre, comme le dit Bontius, tous trois dirigés en avant ; les Hollandais racontent que le casoar se sert de ses pieds pour sa défense, ruant et frappant par derrière comme un cheval[1], selon les uns, et, selon les autres, s’élançant en avant contre celui qui l’attaque, et le renversant avec les pieds, dont il lui frappe rudement la poitrine[2]. Clusius, qui en a vu un vivant dans les jardins du comte de Solms à La Haye, dit qu’il ne se sert point de son bec pour se défendre, mais qu’il se porte obliquement sur son adversaire et qu’il le frappe en ruant ; il ajoute que le même comte de Solms lui montra un arbre gros comme la cuisse, que cet oiseau avait fort maltraité et entièrement écorché avec ses pieds et ses ongles[3] ; il est vrai qu’on n’a pas remarqué à la ménagerie de Versailles que les casoars qu’on y a gardés fussent si méchants et si forts ; mais peut-être étaient-ils plus apprivoisés que celui de Clusius : d’ailleurs ils vivaient dans l’abondance et dans une plus étroite captivité, toutes circonstances qui adoucissent à la longue les mœurs des animaux qui ne sont pas absolument féroces, énervent leur courage, abâtardissent leur naturel et les rendent méconnaissables au travers des habitudes nouvellement acquises.

Les ongles du casoar sont très durs, noirs au dehors et blancs en dedans[4]. Linnæus dit qu’il frappe avec l’ongle du milieu, qui est le plus grand[5] : cependant, les descriptions et les figures de MM. de l’Académie et de M. Brisson représentent l’ongle du doigt intérieur comme le plus grand, et il l’est en effet[6].

Son allure est bizarre ; il semble qu’il rue du derrière, faisant en même temps un demi-saut en avant[7] ; mais malgré la mauvaise grâce de sa démarche, on prétend qu’il court plus vite que le meilleur coureur[8] ; la vitesse est tellement l’attribut des oiseaux, que les plus pesants de cette famille sont encore plus légers à la course que les plus légers d’entre les animaux terrestres.

Le casoar a la langue dentelée sur les bords, et si courte, qu’on a dit de lui, comme du coq de bruyère, qu’il n’en avait point : celle qu’a observée M. Perrault avait seulement un pouce de long et huit lignes de large[9] ; il

  1. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 112.
  2. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 112.
  3. Clusius, Exotic., lib. v, cap. iii.
  4. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 162.
  5. Gen. 86, édit. X. « Ungue intermedio majore ferit. »
  6. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 158. — Ornithologie de Brisson, t. V, p. 11.
  7. Voyages des Hollandais, t. VII, p. 349.
  8. Ibidem.
  9. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 167.