Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le dronte paraît propre et particulier aux îles de France et de Bourbon, et probablement aux terres de ce continent qui en sont les moins éloignées ; mais je ne sache pas qu’aucun voyageur ait dit l’avoir vu ailleurs que dans ces deux îles.

Quelques Hollandais l’ont nommé dodarse ou dodaers ; les Portugais et les Anglais, dodo ; dronte est son nom original, je veux dire celui sous lequel il est connu dans le lieu de son origine ; et c’est par cette raison que j’ai cru devoir le lui conserver, et parce qu’ordinairement les noms imposés par les peuples simples ont rapport aux propriétés de la chose nommée : on lui a encore appliqué les dénominations de cygne à capuchon[1], d’autruche encapuchonnée[2], de coq étranger[3], de walg-vogel ; et M. Moehring, qui n’a trouvé aucun de ces noms à son goût, a imaginé celui de ruphus, que M. Brisson a adopté pour son nom latin, comme s’il y avait quelque avantage à donner au même animal un nom différent dans chaque langue, et comme si l’effet de cette multitude de synonymes n’était pas d’embarrasser la science et de jeter de la confusion dans les choses : ne multiplions pas les êtres, disaient autrefois les philosophes ; mais aujourd’hui on doit dire et répéter sans cesse aux naturalistes, ne multipliez pas les noms sans nécessité.


LE SOLITAIRE ET L’OISEAU DE NAZARE

Le solitaire[NdÉ 1], dont parlent Leguat[4] et Carré[5], et l’oiseau de Nazareth, dont parle Fr. Cauche[6], paraissent avoir beaucoup de rapport avec le dronte, mais ils en diffèrent aussi en plusieurs points ; et j’ai cru devoir rapporter ce qu’en disent ces voyageurs, parce que si ces trois noms ne désignent qu’une seule et unique espèce, les relations diverses ne pourront qu’en compléter l’histoire ; et si au contraire ils désignent trois espèces différentes, ce que j’ai à dire pourra être regardé comme un commencement d’histoire de chacune, ou du moins comme une notice de nouvelles espèces à examiner, de même que l’on voit dans les cartes géographiques une indication des terres inconnues ; dans tous les cas ce sera un avis aux naturalistes qui se

  1. Nieremberg, Hist. nat. maxime peregrinæ, p. 232.
  2. Linnæus, Gen. 86, spec. 4.
  3. Clusius, Exotic., p. 100.
  4. Voyage en deux îles désertes des Indes orientales, t. Ier, p. 98 et 102.
  5. Voyage de Carré, cité dans l’Hist. gén. des Voyages, t. IX, p. 3.
  6. Description… de l’île de Madagascar, p. 130 et suivantes.
  1. Le solitaire, Didus solitarius L. et l’oiseau de Nazare, Didus nasarenus L., n’ont été vus par personne depuis que Leguat et François Gauche les ont décrits. Leur existence est fort problématique. [Note de Wikisource : On ne remet plus guère en doute l’existence du solitaire de Rodrigues, actuellement Pezophaps solitaria Gmelin, dont on considère maintenant que Didus solitarius et Didus nasarenus sont des synonymes. Cependant, l’identification de Didus nasarenus est conventionnelle ; il se pourrait aussi bien qu’il s’agisse en réalité d’un dodo.]