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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/291

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d’attention à ce passage, on voit qu’il est d’abord question des oiseaux pesants et qui volent peu, qu’Aristote parle ensuite de l’alouette et du tetrix qui nichent à terre comme ces oiseaux qui volent peu, quoique apparemment ils soient moins pesants, puisque l’alouette est du nombre ; et que si Aristote eût voulu parler de notre outarde sous le nom de tetrix, il l’eût rangée sans doute comme oiseau pesant, avec les perdrix et les cailles, et non avec les alouettes, qui par leur vol élevé ont mérité, selon Schwenckfeld lui-même, le nom de celipètes[1].

Longolius[2] et Gessner[3] pensent l’un et l’autre que le tetrax du poète Nemesianus n’est autre chose que l’outarde, et il faut avouer qu’il en a à peu près la grosseur[4] et le plumage[5] ; mais ces rapports ne sont pas suffisants pour emporter l’identité de l’espèce, et d’autant moins suffisants, qu’en comparant ce que dit Nemesianus de son tetrax avec ce que nous savons de notre outarde, j’y trouve deux différences marquées : la première, c’est que le tetrax paraît familier par stupidité, et qu’il va se précipiter dans les pièges qu’il a vus qu’on dressait contre lui[6], au lieu que l’outarde ne soutient pas l’aspect de l’homme et qu’elle s’enfuit fort vite du plus loin qu’elle l’aperçoit[7] ; en second lieu, le tetrax faisait son nid au pied du mont Apennin, au lieu qu’Aldrovande, qui était italien, nous assure positivement qu’on ne voit d’outardes en Italie que celles qui y ont été apportées par quelque coup de vent[8] ; il est vrai que Willughby soupçonne qu’elles ne sont point rares dans ces contrées, et cela sur ce qu’en passant par Modène il en vit une au marché ; mais il me semble que cette outarde unique, aperçue au marché d’une ville comme Modène, s’accorde encore mieux avec le dire d’Aldrovande qu’avec la conjecture de Willughby.

M. Perrault impute à Aristote d’avoir avancé que l’otis, en Scythie[9], ne couve point ses œufs comme les autres oiseaux, mais qu’elle les enveloppe dans une peau de lièvre ou de renard, et les cache au pied d’un arbre au haut duquel elle se perche : cependant Aristote n’attribue rien de tout cela à l’outarde, mais à un certain oiseau de Scythie, probablement un oiseau de proie, puisqu’il savait écorcher les lièvres et les renards, et qui seule-

  1. Aviarium Silesiæ, page 191.
  2. Dialog. de Avibus.
  3. De Avibus, lib. iii, page 489.
  4. Tarpeiæ est custos arcis non corpore major.

  5. Persimilis cineri dorsum (collum forte) maculosaque terga
    Inficiunt pullæ cacabantis (perdicis) imagine notæ.

  6. Cùm pedicas necti sibi contemplaverit adstans,
    Immemor ipse sui tamen in dispendia currit.

  7. « Neque hominem ad se appropinquantem sustinent, sed cùm eum longinquo cernunt statim fugam capessunt. » Willughby, Ornithol., p. 129.
  8. « Italia nostra has aves nisi forte ventorum turbine advectas non habet. » Aldrov., Ornithol., t. II, page 92.
  9. Mémoires pour servir à l’histoire des animaux, partie ii, p. 104.