Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et il paraît avoir plus de rapport avec le pluvier qu’avec l’outarde : c’est ce que nous examinerons de plus près dans la suite.

Enfin il faut être averti que quelques auteurs, trompés apparemment par la ressemblance des mots, ont confondu le nom de starda, qui, en italien, signifie une outarde, avec le nom de starna, qui dans la même langue signifie perdrix[1].

Il résulte de toutes ces discussions que l’otis des Grecs, et non l’otus, est notre outarde ; que le nom de ῤάφος lui a été appliqué au hasard comme il l’a été ensuite au dronte : que celui d’anapha, que lui donnent les juifs modernes, appartenait autrefois au milan ; que c’est l’avis tarda de Pline, ou plutôt des Espagnols au temps de Pline, ainsi appelée à cause de sa lenteur, et non, comme le veut Nyphus, parce qu’elle n’aurait été connue à Rome que fort tard ; qu’elle n’est ni le tetrix d’Aristote, ni le tetrax du poëte Nemesianus, ni cet oiseau de Scythie dont parle Aristote dans son Histoire des Animaux[2], ni le tetrao alter de Pline, ni un oiseau aquatique, et enfin que c’est la starda et non la starna des Italiens.

Pour sentir combien cette discussion préliminaire était importante, il ne faut que se représenter la bizarre et ridicule idée que se ferait de l’outarde un commençant qui aurait recueilli, sans choix et avec une confiance aveugle, tout ce qui a été attribué par les auteurs à cet oiseau, ou plutôt aux différents noms par lesquels il l’aurait trouvé désigné dans leurs ouvrages ; il serait obligé d’en faire à la fois un oiseau de jour et de nuit, un oiseau de montagne et de vallée, un oiseau d’Europe et d’Amérique, un oiseau aquatique et terrestre, un oiseau granivore et carnassier, un oiseau très gros et très petit ; en un mot un monstre, et même un monstre impossible : ou s’il voulait opter entre ces attributs contradictoires, ce ne pourrait être qu’en rectifiant la nomenclature comme nous avons fait par la comparaison de ce que l’on sait de cet oiseau avec ce qu’en ont dit les naturalistes qui nous ont précédé.

Mais c’est assez nous arrêter sur le nom, il est temps de nous occuper de la chose. Gessner s’est félicité d’avoir fait le premier la remarque que l’outarde pouvait se rapporter au genre des gallinacés[3], et il est vrai qu’elle en a le bec et la pesanteur, mais elle en diffère par sa grosseur, par ses pieds à trois doigts, par la forme de la queue, par la nudité du bas de la jambe, par la grande ouverture des oreilles, par les barbes de plumes qui lui tombent sous le menton, au lieu de ces membranes charnues qu’ont les gallinacés, sans parler des différences intérieures.

  1. Petrus Apponensis, Patavinus, seu Conciliator, apud Aldrovand. Ornithol., lib. xiii, cap. xii.
  2. Lib. ix, cap. xxxiii.
  3. « Quanquam gallinaceorum generi otidem adscribendam nemo adhuc monuerit, mihi tamen recte ad id referri videtur. » Gesn., de Avibus, p. 484.