Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On me demandera peut-être pourquoi un oiseau qui, quoique pesant, a cependant des ailes, et qui s’en sert quelquefois, n’est point passé en Amérique par le nord, comme ont fait plusieurs quadrupèdes : je répondrai que l’outarde n’y est point passée parce que, quoiqu’elle vole en effet, ce n’est guère que lorsqu’elle est poursuivie ; parce qu’elle ne vole jamais bien loin, et que d’ailleurs elle évite surtout les eaux, selon la remarque de Belon, d’où il suit qu’elle n’a pas dû se hasarder à franchir de grandes étendues de mer ; je dis de grandes étendues, car, quoique celles qui séparent les deux continents du côté du nord soient bien moindres que celles qui les séparent entre les tropiques, elles sont néanmoins considérables par rapport à l’espace que l’outarde peut parcourir d’un seul vol.

On peut donc regarder l’outarde comme un oiseau propre et naturel à l’ancien continent, et qui dans ce continent ne paraît point attaché à un climat particulier, puisqu’il peut vivre en Libye, sur les côtes de la mer Baltique et dans tous les pays intermédiaires.

C’est un très bon gibier : la chair des jeunes, un peu gardée, est surtout excellente ; et si quelques écrivains ont dit le contraire, c’est pour avoir confondu l’otis avec l’otus, comme je l’ai remarqué plus haut. Je ne sais pourquoi Hippocrate l’interdisait aux personnes qui tombaient du mal caduc[1]. Pline reconnaît dans la graisse d’outarde la vertu de soulager les maux de mamelles qui surviennent aux nouvelles accouchées. On se sert des pennes de cet oiseau, comme on fait de celles d’oie et de cygne, pour écrire, et les pêcheurs les recherchent pour les attacher à leurs hameçons, parce qu’ils croient que les petites taches noires dont elles sont émaillées paraissent autant de petites mouches aux poissons qu’elles attirent par cette fausse apparence[2].


LA PETITE OUTARDE

vulgairement la canepetière[3]

Cet oiseau[NdÉ 1] ne diffère de l’outarde que parce qu’il est beaucoup plus petit, et par quelque variété dans le plumage : il a aussi cela de commun avec

  1. Vide Aldrovand., Ornithologia, p. 95.
  2. Gesner, de Avibus, p. 488.
  3. « Quant à l’étymologie (dit M. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 155), on le nomme (cet oiseau) canepetière ou canepetrace : 1o parce qu’il ressemble en quelque chose à un canard sauvage et qu’il vole comme lui ; 2o parce qu’il se plaît parmi les pierres. Il y en a
  1. Otis Tetrax L. On a, dans ces derniers temps, créé pour cette espèce un genre Tetrax distinct du genre Otis par l’absence des barbes à la base de la mandibule inférieure chez le mâle, par des narines plus allongées et la présence, au bas du cou, d’une collerette de plumes que l’oiseau élargit à volonté. L’Otis Tetrax prend, dans cette nomenclature, le nom de Tetrax campestris. [Note de Wikisource : L’outarde canepetière appartient bien actuellement au genre Tetrax, mais, de par les règles de priorités, admet le nom binominal Tetrax tetrax Linnæus.]