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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/321

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qui en a jusqu’aux ongles[NdÉ 1] ? Enfin, s’il veut ranger les gallinacés à la classe des granivores, et que, dans le nombre et la structure de leurs estomacs et de leurs intestins il croie voir clairement qu’ils sont en effet destinés à se nourrir de graines et d’autres matières végétales, comment s’expliquera-t-il à lui-même cet appétit de préférence qu’ils montrent constamment pour les vers de terre, et même pour toute chair hachée, cuite ou crue, à moins qu’il ne se persuade que la nature, ayant fait la poule granivore par ses longs intestins et son double estomac, l’a faite aussi vermivore, et même carnivore par son bec un tant soit peu crochu ; ou plutôt ne conviendra-t-il pas, s’il est de bonne foi, que les conjectures que l’on se permet ainsi sur les intentions de la nature, et les efforts que l’on tente pour renfermer l’inépuisable variété de ses ouvrages dans les limites étroites d’une méthode particulière, ne paraissent être faits que pour donner essor aux idées vagues et aux petites spéculations d’un esprit qui ne peut en concevoir de grandes, et qui s’éloigne d’autant plus de la vraie marche de la nature et de la connaissance réelle de ses productions ? Ainsi, sans prétendre assujettir la nombreuse famille des oiseaux à une méthode rigoureuse, ni la renfermer tout entière dans cette espèce de filet scientifique dont, malgré toutes nos précautions, il s’en échapperait toujours quelques-uns, nous nous contenterons de rapprocher ceux qui nous paraîtront avoir plus de rapport entre eux, et nous tâcherons de les faire connaître par les traits les plus caractérisés de leur conformation intérieure, et surtout par les principaux faits de leur histoire.

Le coq est un oiseau pesant, dont la démarche est grave et lente, et qui ayant les ailes fort courtes, ne vole que rarement, et quelquefois avec des cris qui expriment l’effort ; il chante indifféremment la nuit et le jour, mais non pas régulièrement à certaines heures, et son chant est fort différent de celui de sa femelle, quoiqu’il y ait aussi quelques femelles qui ont le même cri du coq, c’est-à-dire qui font le même effort du gosier avec un moindre effet ; car leur voix n’est pas si forte et ce cri n’est pas si bien articulé ; il gratte la terre pour chercher sa nourriture, il avale autant de petits cailloux que de grains, et n’en digère que mieux ; il boit en prenant de l’eau dans son bec et levant la tête à chaque fois pour l’avaler ; il dort le plus souvent un pied en l’air[1] et en cachant sa tête sous l’aile du même côté ; son corps, dans sa situation naturelle, se soutient à peu près parallèle au plan de position, le bec de même, le cou s’élève verticalement, le front est orné

  1. Par une suite de cette attitude habituelle, la cuisse qui porte ordinairement le corps est la plus charnue, et nos gourmands savent bien la distinguer de l’autre dans les chapons et les poulardes.
  1. Le lecteur trouvera profit à rapprocher ce passage de celui qui est relatif aux méthodes de classification, dans le Discours de Buffon sur la manière d’étudier l’histoire naturelle. Ces considérations sont de la plus grande justesse.