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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/322

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d’une crête rouge et charnue, et le dessous du bec d’une double membrane de même couleur et de même nature : ce n’est cependant ni de la chair ni des membranes, mais une substance particulière, et qui ne ressemble à aucune autre.

Dans les deux sexes, les narines sont placées de part et d’autre du bec supérieur, et les oreilles de chaque côté de la tête, avec une peau blanche au-dessous de chaque oreille ; les pieds ont ordinairement quatre doigts, quelquefois cinq, mais toujours trois en avant et le reste en arrière ; les plumes sortent deux à deux de chaque tuyau, caractère assez singulier, qui n’a été saisi que par très peu de naturalistes ; la queue est à peu près droite, et néanmoins capable de s’incliner du côté du cou et du côté opposé ; cette queue, dans les races de gallinacés qui en ont une, est composée de quatorze grandes plumes qui se partagent en deux plans égaux, inclinés l’un à l’autre, et qui se rencontrent par leur bord supérieur sous un angle plus ou moins aigu ; mais ce qui distingue le mâle, c’est que les deux plumes du milieu de la queue sont beaucoup plus longues que les autres, et se recourbent en arc ; que les plumes du cou et du croupion sont longues et étroites, et que leurs pieds sont armés d’éperons ; il est vrai qu’il se trouve aussi des poules qui ont des éperons, mais cela est rare, et les poules ainsi éperonnées ont beaucoup d’autres rapports avec le mâle ; leur crête se relève ainsi que leur queue, elles imitent le chant du coq et cherchent à l’imiter en choses plus essentielles[1] ; mais on aurait tort de les regarder pour cela comme hermaphrodites, puisque étant incapables des véritables fonctions du mâle, et n’ayant que du dégoût pour celles qui leur conviendraient mieux, ce sont, à vrai dire, des individus viciés, indécis, privés de l’usage du sexe et même des attributs essentiels de l’espèce, puisqu’ils ne peuvent en perpétuer aucune.

Un bon coq est celui qui a du feu dans les yeux, de la fierté dans la démarche, de la liberté dans ses mouvements, et toutes les proportions qui annoncent la force ; un coq, ainsi fait, n’imprimerait pas la terreur à un lion, comme on l’a dit et écrit tant de fois, mais il inspirera de l’amour à un grand nombre de poules ; si on veut le ménager, on ne lui en laissera que douze ou quinze. Columelle voulait qu’on ne lui en donnât pas plus de cinq ; mais quand il en aurait cinquante chaque jour, on prétend qu’il ne manquerait à aucune[2] ; à la vérité, personne ne peut assurer que toutes ses approches soient réelles, efficaces et capables de féconder les œufs de sa femelle. Ses désirs ne sont pas moins impétueux que ses besoins paraissent être fréquents. Le matin, lorsqu’on lui ouvre la porte du poulailler où il a été renfermé pendant la nuit, le premier usage qu’il fait de sa liberté est de se joindre à ses poules ; il semble que chez lui le besoin de manger ne soit que le second ; et lorsqu’il

  1. Aristot., Historia animalium, lib. ix, cap. xlix.
  2. Aldrovande, t. II, lib. xiv.