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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/332

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environnent[1]. Ce qu’il y a de plus digne de remarque, c’est que la situation d’une couveuse, quelque insipide qu’elle nous paraisse, est peut-être moins une situation d’ennui qu’un état de jouissance continuelle, d’autant plus délicieuse qu’elle est plus recueillie, tant la nature semble avoir mis d’attraits à tout ce qui a rapport à la multiplication des êtres.

L’effet de l’incubation se borne au développement de l’embryon du poulet, qui, comme nous l’avons déjà dit, existe tout formé dans la cicatricule de l’œuf fécondé : voici à peu près l’ordre dans lequel se fait ce développement, ou plutôt comme il se présente à l’observateur ; et comme j’ai déjà donné dans un assez grand détail tous les faits qui ont rapport au développement du poulet dans l’œuf, je me contenterai d’en rappeler ici les circonstances essentielles.

Des que l’œuf a été couvé pendant cinq ou six heures, on voit déjà distinctement la tête du poulet jointe à l’épine du dos, nageant dans la liqueur, dont la bulle qui est au centre de la cicatricule est remplie : sur la fin du premier jour la tête s’est déjà recourbée en grossissant.

Dès le second jour, on voit les premières ébauches des vertèbres qui sont comme de petits globules disposés des deux côtés du milieu de l’épine ; on voit aussi paraître le commencement des ailes et les vaisseaux ombilicaux, remarquables par leur couleur obscure ; le cou et la poitrine se débrouillent, la tête grossit toujours ; on y aperçoit les premiers linéaments des yeux et trois vésicules entourées, ainsi que l’épine, de membranes transparentes : la vie du fœtus devient plus manifeste ; déjà l’on voit son cœur battre et son sang circuler.

Le troisième jour tout est plus distinct, parce que tout a grossi : ce qu’il y a de plus remarquable, c’est le cœur, qui pend hors de la poitrine et bat trois fois de suite, une fois en recevant par l’oreillette le sang contenu dans les veines, une seconde fois en le renvoyant aux artères, et la troisième fois en le poussant dans les vaisseaux ombilicaux ; et ce mouvement continue encore vingt-quatre heures après que l’embryon a été séparé du blanc de son œuf. On aperçoit aussi des veines et des artères sur les vésicules du cerveau ; les rudiments de la moelle de l’épine commencent à s’étendre le long des vertèbres ; enfin on voit tout le corps du fœtus comme enveloppé d’une partie de la liqueur environnante, qui a pris plus de consistance que le reste.

Les yeux sont déjà fort avancés le quatrième jour ; on y reconnaît fort bien la prunelle, le cristallin, l’humeur vitrée ; on voit outre cela, dans la tête, cinq vésicules remplies d’humeur, lesquelles, se rapprochant et se recouvrant peu à peu les jours suivants, formeront enfin le cerveau, enveloppé de toutes

  1. Il n’y a pas jusqu’au bruit qui ne leur soit contraire : on a remarqué qu’une couvée entière de poulets, éclos dans la boutique d’un serrurier, fut attaquée de vertiges. Voyez Collection académique, partie étrangère, t. III, p. 25.