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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/334

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à peu près également à la chaleur requise, on réussira toujours à faire éclore des milliers de poulets.

Toute chaleur est bonne pour cela ; celle de la mère poule n’a pas plus de privilège que celle de tout autre animal, sans en excepter l’homme[1], ni celle du feu solaire ou terrestre, ni celle d’une couche de tan ou de fumier : le point essentiel est de savoir s’en rendre maître, c’est-à-dire d’être toujours en état de l’augmenter ou de la diminuer à son gré : or il sera toujours possible, au moyen de bons thermomètres distribués avec intelligence dans l’intérieur du four ou de l’étuve, de savoir le degré de chaleur de ses différentes régions ; de la conserver en étoupant les ouvertures et en fermant tous les registres du couvercle, de l’augmenter, soit avec des cendres chaudes, si c’est un four, soit en ajoutant du bois dans le poêle, si c’est une étuve à poêle, soit en faisant des réchauds si c’est une couche, et enfin de la diminuer en ouvrant les registres pour donner accès à l’air extérieur, ou bien en introduisant dans le four un ou plusieurs corps froids, etc.

Au reste, quelque attention que l’on donne à la conduite d’un four d’incubation, il n’est guère possible d’y entretenir constamment et sans interruption le trente-deuxième degré, qui est celui de la poule ; heureusement ce terme n’est point indivisible, et l’on a vu la chaleur varier du trente-huitième au vingt-quatrième degré sans qu’il en résultât d’inconvénient pour la couvée ; mais il faut remarquer qu’ici l’excès est beaucoup plus à craindre que le défaut, et que quelques heures du trente-huitième et même du trente-sixième degré feraient plus de mal que quelques jours du vingt-quatrième ; et la preuve que cette quantité de moindre chaleur peut encore être diminuée sans inconvénient, c’est qu’ayant trouvé, dans une prairie qu’on fauchait, le nid d’une perdrix, et ayant gardé et tenu à l’ombre les œufs pendant trente-six heures qu’on ne put trouver de poule pour les couver, ils éclôrent néanmoins tous au bout de trois jours, excepté ceux qui avaient été ouverts pour voir où en étaient les perdreaux ; à la vérité, ils étaient très avancés, et sans doute il faut un degré de chaleur plus fort dans les commencements de l’incubation que sur la fin de ce même temps, où la chaleur du petit oiseau suffit presque seule à son développement.

À l’égard de son humidité, comme elle est fort contraire au succès de l’incubation, il faut avoir des moyens sûrs pour reconnaître si elle a pénétré dans le four, pour la dissiper lorsqu’elle y a pénétré et pour empêcher qu’il n’en vienne de nouvelle.

  1. On sait que Livie, étant grosse, imagina de couver et faire éclore un œuf dans son sein, voulant augurer du sexe de son enfant par le sexe du poussin qui viendrait ; ce poussin fut mâle, et son enfant aussi. Les augures ne manquèrent pas de se prévaloir du fait pour montrer aux plus incrédules la vérité de leur art ; mais ce qui reste le mieux prouvé, c’est que la chaleur humaine est suffisante pour l’incubation des œufs.