Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/335

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L’hygromètre le plus simple et le plus approprié pour juger de l’humidité de l’air de ces sortes de fours, c’est un œuf froid qu’on y introduit et qu’on y tient pendant quelque temps, lorsque le juste degré de chaleur y est établi ; si, au bout d’un demi-quart d’heure au plus, cet œuf se couvre d’un nuage léger, semblable à celui que l’haleine produit sur une glace polie, ou bien à celui qui se forme l’été sur la surface extérieure d’un verre où l’on verse des liqueurs à la glace, c’est une preuve que l’air du four est trop humide, et il l’est d’autant plus que ce nuage est plus longtemps à se dissiper, ce qui arrive principalement dans les fours à tan et à fumier, que l’on a voulu renfermer en un lieu clos : le meilleur remède à cet inconvénient est de renouveler l’air de ces endroits fermés, en y établissant plusieurs courants par le moyen des fenêtres opposées, et, à défaut de fenêtre, en y plaçant et agitant un ventilateur proportionné à l’espace. Quelquefois la seule transpiration du grand nombre d’œufs produit dans le four même une humidité trop grande et, dans ce cas, il faut, tous les deux ou trois jours, retirer pour quelques instants les corbeilles d’œufs hors du four, et l’éventer simplement avec un chapeau qu’on y agitera en différents sens.

Mais ce n’est pas assez de dissiper l’humidité qui s’est accumulée dans les fours, il faut encore, autant qu’il est possible, lui interdire tout accès par dehors, en revêtissant leurs parois extérieures de plomb laminé ou de bon ciment, ou de plâtre, ou de goudron bien cuit, ou du moins en leur donnant plusieurs couches à l’huile qu’on laissera bien sécher, et en collant sur leurs parois intérieures des bandes de vessies ou de fort papier gris.

C’est à ce peu de pratiques aisées que se réduit tout l’art de l’incubation artificielle, et il faut y assujettir la structure et les dimensions des fours ou étuves, le nombre, la forme et la distribution des corbeilles, et toutes les petites manœuvres que la circonstance prescrit, que le moment inspire, et qui nous ont été détaillées avec une immensité de paroles, et que nous réduirons ici dans quelques lignes, sans cependant rien omettre[1].

Le four le plus simple est un tonneau revêtu par dedans de papier collé, bouché par le haut d’un couvercle qui l’emboîte, lequel est percé dans son milieu d’une grande ouverture fermant à coulisse, pour regarder dans le four et de plusieurs autres petites autour de celle-là servant de registre pour le ménagement de la chaleur, et fermant aussi à coulisse : on noie ce tonneau plus qu’aux trois quarts de sa hauteur dans du fumier chaud ; on place dans son intérieur, les unes au-dessus des autres et à de justes intervalles, deux ou trois corbeilles à claire-voie, dans chacune desquelles on arrange deux couches d’œufs, en observant que la couche supérieure soit moins fournie que l’inférieure, afin que l’on puisse aussi avoir l’œil sur celle-ci ; on ménage, si l’on veut, une ouverture dans le centre de chaque

  1. Voyez l’Art de faire éclore les poulets, par M. de Réaumur, 2 vol. in-12.