Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/345

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Thomas Hyde[1] ; ces oiseaux y sont en abondance et en grande considération, surtout parmi certains dervis, qui les regardent comme des horloges vivantes ; et l’on sait qu’une horloge est l’âme de toute communauté de dervis[NdÉ 1].

Dampier dit qu’il a vu et tué, dans les îles de Poulocondor, des coqs sauvages qui ne surpassaient pas nos corneilles en grosseur, et dont le chant, assez semblable à celui des coqs de nos basses-cours, était seulement plus aigu[2] ; il ajoute ailleurs qu’il y en a dans l’île Timor et à Santiago, l’une des îles du cap Vert[3]. Gemelli Carreri rapporte qu’il en avait aperçu dans les îles Philippines ; et Merolla prétend qu’il y a des poules sauvages au royaume de Congo, qui sont plus belles et de meilleur goût que les poules domestiques, mais que les nègres estiment peu ces sortes d’oiseaux.

De leur climat naturel, quel qu’il soit, ces oiseaux se sont répandus facilement dans le vieux continent, depuis la Chine jusqu’au cap Vert, et depuis l’Océan méridional jusqu’aux mers du nord : ces migrations sont fort anciennes et remontent au delà de toute tradition historique ; mais leur établissement dans le Nouveau-Monde paraît être beaucoup plus récent. L’historien des Incas[4] assure qu’il n’y en avait point au Pérou avant la conquête, et même que les poules ont été plus de trente ans sans pouvoir s’accoutumer à couver dans la vallée de Cusco. Coréal dit positivement que les poules ont été apportées au Brésil par les Espagnols, et que les Brésiliens les connaissaient si peu qu’ils n’en mangeaient d’aucune sorte, et qu’ils regardaient leurs œufs comme une espèce de poison : les habitants de l’île de Saint-Domingue n’en avaient point non plus, selon le témoignage du P. Charlevoix ; et Oviedo donne comme un fait avéré qu’elles ont été transportées d’Europe en Amérique. Il est vrai qu’Acosta avance tout le contraire : il soutient que les poules existaient au Pérou avant l’arrivée des Espagnols ; il en donne pour preuve qu’elles s’appellent dans la langue du pays gualpa, et leurs œufs ponto ; et de l’ancienneté du mot il croit pouvoir conclure celle de la chose, comme s’il n’était pas fort simple de penser que des sauvages, voyant pour la première fois un oiseau étranger, auront songé

  1. Historia religionis veterum Persarum, etc., p. 163. Remarquez cependant que l’art d’engraisser les chapons a été porté d’Europe en Perse par des marchands arméniens. Voyez Tavernier, t. II, p. 24.
  2. Nouveau Voyage autour du monde, t. II, p. 82.
  3. Dampier, Suite du Voyage de la Nouvelle-Hollande, t. V, p. 61.
  4. Histoire des Incas, t. II, p. 239.
  1. Les Gallus vivent à l’état indigène dans d’autres pays que la Perse. Il en existe notamment dans l’Indo-Chine, à Java et dans l’Hindoustan. Le Gallus Sonneratii Temm. [Note de Wikisource : actuellement Gallus sonneratii Temminck, vulgairement coq de Sonnerat] provient des montagnes de Gates, dans l’Hindoustan. Le Gallus Bankiva Temm. [Note de Wikisource : actuellement Gallus gallus bankiva Temminck, vulgairement coq bankiva, sous-espèce de Gallus gallus Linnæus dont le coq domestique est une autre sous-espèce] et le Gallus furcatus Temm. [Note de Wikisource : actuellement Gallus varius Shaw, vulgairement coq de Java] proviennent de Java. C’est le Gallus Bankiva qui est généralement considéré comme la souche de nos coqs domestiques.