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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/352

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mière origine, et de reconnaître dans nos basses-cours la poule de la nature, ni même la poule de notre climat. Les coqs sauvages, qui se trouvent dans les pays chauds de l’Asie, pourront être regardés comme la tige primordiale de tous les coqs de ces contrées. Mais, comme il n’existe dans nos pays tempérés aucun oiseau sauvage qui ressemble parfaitement à nos poules domestiques, on ne sait à laquelle des races ou des variétés l’on doit donner la primauté ; car, en supposant que le faisan, le coq de bruyère ou la gelinotte, qui sont les seuls oiseaux sauvages de ce pays qu’on puisse rapprocher de nos poules par la comparaison en soient les races primitives[NdÉ 1], et en supposant encore que ces oiseaux peuvent produire, avec nos poules, des métis féconds, ce qui n’est pas bien avéré, ils seront alors de la même espèce ; mais les races se seront très anciennement séparées et toujours maintenues par elles-mêmes, sans chercher à se réunir avec les races domestiques, dont elles diffèrent par des caractères constants, tels que le défaut de crêtes, de membranes pendantes dans les deux sexes, et d’éperons dans les mâles et, par conséquent, ces races sauvages ne sont représentées par aucune de nos races domestiques, qui, quoique très variées et très différentes entre elles à beaucoup d’égards, ont toutes néanmoins ces crêtes, ces membranes et ces éperons qui manquent aux faisans, à la gelinotte et au coq de bruyère. D’où l’on doit conclure qu’il faut regarder le faisan, le coq de bruyère et la gelinotte comme des espèces voisines, et néanmoins différentes de celle de la poule, jusqu’à ce qu’on se soit bien assuré, par des expériences réitérées, que ces oiseaux sauvages peuvent produire avec nos poules domestiques, non seulement des mulets stériles, mais des métis féconds ; car c’est à cet effet qu’est attachée l’idée de l’identité d’espèce : les races singulières, telles que la poule naine, la poule frisée, la poule nègre, la poule sans croupion, viennent toutes originairement des pays étrangers ; et, quoiqu’elles se mêlent et produisent avec nos poules communes, elles ne sont ni de la même race ni du même climat. En séparant donc notre poule commune de toutes les espèces sauvages qui peuvent se mêler avec elle, telles que la gelinotte, le coq de bruyère, le faisan, etc., en la séparant aussi de toutes les poules étrangères avec lesquelles elle se mêle et produit des individus féconds, nous diminuerons de beaucoup le nombre de ses variétés, et nous n’y trouverons plus que des différences assez légères : les unes pour la grandeur du corps ; les poules de Caux sont presque doubles, pour la grosseur, de nos poules ordinaires : les autres pour la hauteur des jambes ; le coq d’Angleterre, quoique parfaitement ressemblant à celui de France, a les jambes et les pieds bien plus longs : d’autres pour la longueur des plumes, comme le coq huppé, qui ne

  1. Nos poules domestiques ne proviennent ni du faisan, ni du coq de bruyère, ni de la gelinotte, mais bien de l’une ou de plusieurs des espèces sauvages que nous avons signalées plus haut.