Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abandonnés, parce qu’elle cherche à faire une seconde ponte ou une seconde couvée. Plus les dindonneaux étaient faibles et délicats dans le premier âge, plus ils deviennent avec le temps robustes et capables de soutenir toutes les injures du temps : ils aiment à se percher en plain air, et passent ainsi les nuits les plus fraîches de l’hiver, tantôt se soutenant sur un seul pied, et retirant l’autre dans les plumes de leur ventre comme pour le réchauffer, tantôt, au contraire, s’accroupissant sur leur bâton et s’y tenant en équilibre : ils se mettent la tête sous l’aile pour dormir, et pendant leur sommeil ils ont le mouvement de la respiration sensible et très marqué.

La meilleure façon de conduire les dindons devenus forts, c’est de les mener paître par la campagne, dans les lieux où abondent les orties et autres plantes de leur goût, dans les vergers lorsque les fruits commencent à tomber, etc. ; mais il faut éviter soigneusement les pâturages où croissent les plantes qui leur sont contraires, telles que la grande digitale à fleurs rouges : cette plante est un véritable poison pour les dindons ; ceux qui en ont mangé éprouvent une sorte d’ivresse, des vertiges, des convulsions ; et, lorsque la dose a été un peu forte, ils finissent par mourir étiques. On ne peut donc apporter trop de soin à détruire cette plante nuisible dans les lieux où l’on élève des dindons[1].

On doit aussi avoir attention, surtout dans les commencements, de ne les faire sortir le matin qu’après que le soleil a commencé de sécher la rosée, de les faire rentrer avant la chute du serein, et de les mettre à l’abri pendant la plus grande chaleur des jours d’été : tous les soirs, lorsqu’ils reviennent, on leur donne de la pâtée, du grain ou quelque autre nourriture, excepté seulement au temps des moissons où ils trouvent suffisamment à manger par la campagne. Comme ils sont fort craintifs, ils se laissent aisément conduire ; il ne faut que l’ombre d’une baguette pour en mener des troupeaux même très considérables, et souvent ils prendront la fuite devant un animal beaucoup plus petit et plus faible qu’eux : cependant il est des occasions où ils montrent du courage, surtout lorsqu’il s’agit de se défendre contre les fouines et autres ennemis de la volaille ; on en a vu même quelquefois entourer en troupe un lièvre au gîte, et chercher à le tuer à coups de bec[2].

Ils ont différents tons, différentes inflexions de voix, selon l’âge, le sexe, et suivant les passions qu’ils veulent exprimer : leur démarche est lente et leur vol pesant ; ils boivent, mangent, avalent de petits cailloux, et digèrent à peu près comme les coqs ; et, comme eux, ils ont double estomac, c’est-à-dire un jabot et un gésier[NdÉ 1] ; mais, comme ils sont plus gros, les muscles de leur gésier ont aussi plus de force.

  1. Voyez Histoire de l’Académie royale des sciences de Paris, année 1748, p. 84.
  2. Ornithologie de Salerne, p. 132.
  1. Les dindons ont un jabot comme tous les Gallinacés.