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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/370

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îles des Satyres, dont les habitants avaient des queues, et de certaines îles Manioles au nombre de dix, situées à peu près dans le même climat, où l’aimant abonde au point que l’on n’ose y employer le fer dans la construction des navires de peur qu’ils ne soient attirés et retenus par la force magnétique ; mais ces queues humaines, quoique attestées par des voyageurs et par les missionnaires jésuites, selon Gemelli Careri[1], sont au moins fort douteuses ; ces montagnes d’aimant ou plutôt leurs effets sur la ferrure des vaisseaux ne le sont pas moins, et l’on ne peut guère compter sur des faits qui se trouvent mêlés avec de pareilles incertitudes ; 4o enfin Ptolémée, à l’endroit cité, parle positivement des coqs ordinaires (galli gallinacei), qui ne peuvent être confondus avec les coqs d’Inde ni pour la forme extérieure, ni pour le plumage, ni pour le chant, ni pour les habitudes naturelles, ni pour la couleur des œufs, ni pour le temps de l’incubation, etc. Il est vrai que Scaliger, tout en avouant que la méléagride d’Athénée ou plutôt de Clytus, cité par Athénée, était un oiseau d’Étolie, aimant les lieux aquatiques, peu attaché à sa couvée, et dont la chair sentait le marécage, tous caractères qui ne conviennent point au dindon, qui ne se trouve point en Étolie, fuit les lieux aquatiques, a le plus grand attachement pour ses petits, et la chair de bon goût, n’en prétend pas moins que la méléagride est un dindon[2] ; mais les anatomistes de l’Académie des Sciences, qui d’abord, étaient du même avis lorsqu’ils firent la description du coq indien, ayant examiné les choses de plus près, ont reconnu et prouvé ailleurs que la pintade était la vraie méléagride des anciens ; en sorte qu’il doit demeurer pour constant qu’Athénée ou Clytus, Élien, Columelle et Ptolémée, n’ont pas plus parlé des dindons qu’Aristote et Pline, et que ces oiseaux ont été inconnus aux anciens.

Nous ne voyons pas même qu’il en soit fait mention dans aucun ouvrage moderne, écrit avant la découverte de l’Amérique : une tradition populaire fixe dans le xvie siècle, sous François Ier, l’époque de leur première apparition en France ; car c’est dans ce temps que vivait l’amiral Chabot. Les auteurs de la Zoologie britannique avancent, comme un fait notoire, qu’ils ont été apportés en Angleterre sous le règne de Henri VIII, contemporain de François Ier[3], ce qui s’accorde très bien avec notre sentiment ; car l’Amérique ayant été découverte par Christophe Colomb, sur la fin du xve siècle, et les rois François Ier et Henri VIII étant montés sur le trône au commencement du xvie siècle, il est tout naturel que ces oiseaux apportés d’Amérique aient été introduits comme nouveautés soit en France, soit en Angleterre, sous le règne de ces princes ; et cela est confirmé par le témoignage précis de J. Sperling, qui écrivait avant 1660, et qui assure expres-

  1. Voyage, t. V, p. 68.
  2. In Cardanum exercit., 238.
  3. British Zoology, p. 87.