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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/378

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entre ces deux espèces, soit entre ce que l’on voit dans le dindon, et ce que les anciens ont dit de la méléagride[1], il suffit, pour mettre en évidence la fausseté de cette conjecture, de se rappeler les preuves par lesquelles j’ai établi à l’article du dindon que cet oiseau est propre et particulier à l’Amérique, qu’il vole pesamment, ne nage point du tout, et que par conséquent il n’a pu franchir le vaste étendue de mers qui sépare l’Amérique de notre continent : d’où il suit qu’avant la découverte de l’Amérique il était entièrement inconnu dans notre continent, et que les anciens n’ont pu en parler sous le nom de méléagride.

Il paraît que c’est aussi par erreur que le nom de knor-haan s’est glissé dans la liste des noms de la peintade donnée par M. Brisson[2] citant Kolbe[3]. Je ne nie pas que la figure par laquelle le knor-haan a été désigné dans le voyage de Kolbe n’ait été faite d’après celle de la poule africaine de Marcgrave, comme le dit M. Brisson ; mais il avouera aussi qu’il est difficile de reconnaître, dans un oiseau propre au cap de Bonne-Espérance, la peintade qui est répandue dans toute l’Afrique, mais moins au Cap que partout ailleurs, et qu’il est encore plus difficile d’adapter à celle-ci ce bec court et noir, cette couronne de plumes, ce rouge mêlé dans les couleurs des ailes et du corps, et cette ponte de deux œufs seulement que Kolbe attribue à son knor-haan.

Le plumage de la peintade, sans avoir des couleurs riches et éclatantes, est cependant très distingué ; c’est un fond gris bleuâtre plus ou moins foncé, sur lequel sont semées assez régulièrement des taches blanches plus ou moins rondes, représentant assez bien des perles ; d’où quelques modernes ont donné à cet oiseau le nom de poules perlées[4], et les anciens, ceux de varia et de guttata[5] : tel était du moins le plumage de la peintade dans son climat natal ; mais depuis qu’elle a été transportée dans

  1. La méléagride était de la grosseur d’une poule de bonne race, avait sur la tête un tubercule calleux, le plumage marqueté de taches blanches, semblables à des lentilles, mais plus grandes ; deux barbillons adhérents au bec supérieur, la queue pendante, le dos rond, des membranes entre les doigts, point d’éperons aux pieds, aimait les marécages, n’avait point d’attachement pour ses petits, tous caractères qu’on chercherait vainement dans le dindon, lequel en a d’ailleurs deux très frappants, qui ne se retrouvent point dans la description de la méléagride, ce bouquet de crins durs qui lui sort au bas du cou, et sa manière d’étaler sa queue et de faire la roue autour de sa femelle.
  2. Ornithologie, t. Ier, p. 177.
  3. Description du cap de Bonne-Espérance, t. III, p. 169. « Un oiseau qui appartient proprement au Cap, dit ce voyageur, est le knor-hahu ou coq-knor, c’est la sentinelle des autres oiseaux ; il les avertit lorsqu’il voit approcher un homme, par un cri qui ressemble au son du mot crac, et qu’il répète fort haut : sa grandeur est celle d’une poule ; il a le bec court et noir comme les plumes de sa couronne ; le plumage des ailes et du corps mêlé de rouge, de blanc et de cendré ; les jambes jaunes, les ailes petites : il fréquente les lieux solitaires et fait son nid dans les buissons ; sa ponte est de deux œufs ; on estime peu sa chair, quoiqu’elle soit bonne. »
  4. Voyez Frisch, planche cxxvi. — Klein, Historiæ Animalium prodromus, p. 3.
  5. Martial, Épigramm.