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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/393

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établi ses espèces qu’après avoir observé avec grand soin tous les individus, excepté le grygallus minor, et s’être assuré qu’ils avaient des différences bien caractérisées[1] : d’un autre côté, Schwenckfeld, qui était à portée des montagnes, et qui avait examiné souvent et avec beaucoup d’attention le grygallus, assure que c’est la femelle du tétras[2] ; mais il faut avouer que dans cette espèce, et peut-être dans beaucoup d’autres, les couleurs du plumage sont sujettes à de grandes variétés, selon le sexe, l’âge, le climat et diverses autres circonstances. M. Brisson ne parle point de huppe dans sa description ; et des deux figures données par Aldrovande, l’une est huppée et l’autre ne l’est point. Quelques-uns prétendent que le tétras, lorsqu’il est jeune, a beaucoup de blanc dans son plumage[3], et que ce blanc se perd à mesure qu’il vieillit, au point que c’est un moyen de connaître l’âge de l’oiseau[4] ; il semble même que le nombre des pennes de la queue ne soit pas toujours égal ; car Linnæus le fixe à dix-huit dans sa Fauna suecica, et M. Brisson à seize dans son Ornithologie ; et, ce qu’il y a de plus singulier, Schwenckfeld, qui avait vu et examiné beaucoup de ces oiseaux, prétend que, soit dans la grande, soit dans la petite espèce, les femelles ont dix-huit pennes à la queue, et les mâles douze seulement : d’où il suit que toute méthode qui prendra pour caractères spécifiques des différences aussi variables que le sont les couleurs des plumes et même leur nombre, sera sujette au grand inconvénient de multiplier les espèces ; je veux dire les espèces nominales, ou plutôt les nouvelles phrases, de surcharger la mémoire des commençants, de leur donner de fausses idées des choses, et par conséquent de rendre l’étude de la nature plus difficile.

Il n’est pas vrai, comme l’a dit Encelius, que le tétras mâle étant perché sur un arbre jette sa semence par le bec, que ses femelles, qu’il appelle à grands cris, viennent la recueillir, l’avaler, la rejeter ensuite, et que leurs œufs soient ainsi fécondés ; il n’est pas plus vrai que de la partie de cette semence qui n’est point recueillie par les poules il se forme des serpents, des pierres précieuses, des espèces de perles : il est humiliant pour l’esprit humain qu’il se présente de pareilles erreurs à réfuter. Le tétras s’accouple comme les autres oiseaux ; et ce qu’il y a de plus singulier, c’est que Encelius lui-même, qui raconte cette étrange fécondation par le bec, n’ignorait pas que le coq couvrait ensuite ses poules, et que celles qu’il n’avait point couvertes pondaient des œufs inféconds : il savait cela, et n’en persista pas

    éperviers et des faucons, parmi lesquels les femelles non seulement ont le plumage plus beau que les mâles, mais encore surpassent ceux-ci en force et en grosseur, comme il a été remarqué ci-dessus, dans l’histoire de ces oiseaux. Voyez Aldrovande, de Avibus, t. II, p. 72.

  1. Gesner, de Avibus, lib. iii, p. 493.
  2. Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 371.
  3. Le blanc qui est dans la queue forme, avec celui des ailes et du dos, lorsque l’oiseau fait la roue, un cercle de cette couleur. Journal économique, Avril 1753.
  4. Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 371.