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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/401

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éclatant[1] ; les femelles qui sont à portée répondent à la voix des mâles par un cri qui leur est propre ; elles se rassemblent autour d’eux et reviennent très exactement les jours suivants au même rendez-vous. Selon le docteur Waygand, chaque coq a deux ou trois poules auxquelles il est plus spécialement affectionné[2].

Lorsque les femelles sont fécondées, elles vont chacune de leur côté faire leur ponte dans des taillis épais et un peu élevés ; elles pondent par terre et sans se donner beaucoup de peine pour la construction d’un nid, comme font tous les oiseaux pesants : elles pondent six ou sept œufs, selon les uns[3], de douze à seize, selon les autres[4], et de douze à vingt, selon quelques autres[5] ; les œufs sont moins gros que ceux des poules domestiques et un peu plus longuets. M. Linnæus assure que ces poules de bruyère perdent leur fumet dans le temps de l’incubation[6]. Schwenckfeld semble insinuer que le temps de leur ponte est dérangé depuis que ces oiseaux ont été tourmentés par les chasseurs et effrayés par les coups de fusil ; et il attribue aux mêmes causes la perte qu’a faite l’Allemagne de plusieurs autres belles espèces d’oiseaux.

Dès que les petits ont douze ou quinze jours, ils commencent déjà à battre des ailes et à s’essayer à voltiger ; mais ce n’est qu’au bout de cinq ou six semaines qu’ils sont en état de prendre leur essor, et d’aller se percher sur les arbres avec leurs mères : c’est alors qu’on les attire avec un appeau[7], soit pour les prendre au filet, soit pour les tuer à coups de fusils ; la mère, prenant le son contrefait de cet appeau pour le piaulement de quelqu’un de ses petits qui s’est égaré, accourt et le rappelle par un cri particulier qu’elle répète souvent, comme font en pareil cas nos poules domestiques, et elle amène à sa suite le reste de la couvée qu’elle livre ainsi à la merci des chasseurs.

Quand les jeunes tétras sont un peu plus grands et qu’ils commencent à prendre du noir dans leur plumage, ils ne se laissent pas amorcer si aisément de cette manière ; mais alors, jusqu’à ce qu’ils aient pris la moitié de leur accroissement, on les chasse avec l’oiseau de proie. Le vrai temps de cette chasse est l’arrière-saison, lorsque les arbres ont quitté leur feuilles ; dans ce temps les vieux mâles choisissent un certain endroit où ils se rendent tous les matins, au lever du soleil, en rappelant par un certain cri (surtout quand il doit geler ou faire beau temps) tous les autres oiseaux de leur espèce,

  1. Frisch, ibidem.
  2. Actes de Breslaw, ibidem.
  3. British Zoology, ibidem.
  4. Schwenckfeld, Aviarium Silesiæ, p. 373.
  5. Actes de Breslaw, ibidem.
  6. Syst. nat., édit. X, p. 159.
  7. Cet appeau se fait avec un os de l’aile de l’autour, qu’on remplit en partie de cire, en ménageant des ouvertures propres à rendre le son demandé. Voyez Actes de Breslaw. Novembre 1725.