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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/409

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par devant, mais seulement jusqu’au milieu du tarse ; le ventricule ou gésier musculeux ; le tube intestinal long de trente et quelques pouces ; les appendices ou cæcums de treize à quatorze, et sillonnés par des cannelures[1] ; leur chair est blanche lorsqu’elle est cuite, mais cependant plus au dedans qu’au dehors ; et ceux qui l’ont examinée de plus près prétendent y avoir reconnu quatre couleurs différentes, comme on a trouvé trois goûts différents dans celle des outardes et des tétras : quoi qu’il en soit, celle des gelinottes est exquise, et c’est de là que lui vient, dit-on, son nom latin bonasa, et son nom hongrois tschasarmadar, qui veut dire oiseau de César, comme si un bon morceau devait être réservé exclusivement pour l’empereur : c’est en effet un morceau fort estimé, et Gesner remarque que c’est le seul qu’on se permettait de faire reparaître deux fois sur la table des princes[2].

Dans le royaume de Bohême on en mange beaucoup au temps de Pâques, comme on mange de l’agneau en France, et l’on s’en envoie en présent les uns aux autres[3].

Leur nourriture, soit en été, soit en hiver, est à peu près la même que celle des tétras : on trouve en été dans leur ventricule des baies de sorbier, de myrtille et de bruyère, des mûres de ronces, des graines de sureau des Alpes, des siliques de saltarella, des chatons de bouleau et de coudrier, etc., et en hiver des baies de genièvre, des boutons de bouleau, des sommités de bruyère, de sapin, de genévrier et de quelques autres plantes toujours vertes[4] : on nourrit aussi les gelinottes qu’on tient captives dans les volières avec du blé, de l’orge, d’autres grains, mais elles ont encore cela de commun avec les tétras, qu’elles ne survivent pas longtemps à la perte de leur liberté[5], soit qu’on les renferme dans des prisons trop étroites et peu convenables, soit que leur naturel sauvage, ou plutôt généreux, ne puisse s’accoutumer à aucune sorte de prison.

La chasse s’en fait en deux temps de l’année, au printemps et en automne ; mais elle réussit surtout dans cette dernière saison : les oiseleurs et même les chasseurs les attirent avec des appeaux qui imitent leur cri, et ils ne manquent pas d’amener des chevaux avec eux, parce que c’est une opinion commune que les gelinottes aiment beaucoup ces sortes d’animaux[6]. Autre remarque de chasseurs : si l’on prend d’abord un mâle, la femelle, qui le cherche constamment, revient plusieurs fois, amenant d’autres mâles à sa suite ; au lieu que si c’est la femelle qui est prise la première, le

  1. Idem, ibidem, p. 126.
  2. Gesner, Ornithologia, p. 231.
  3. Schwenckfeld, Aviarium, p. 279.
  4. Voyez Ray, Sinopsis avium p. 55 ; Schwenckfeld, p. 278 ; et Rzaczynski, Auctuarium, p. 366.
  5. Gesner, Schwenckfeld, etc., aux endroits cités.
  6. Gesner, p. 230.