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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/414

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exactement le même que la gelinotte des Pyrénées : cet auteur dit que M. Shaw l’appelle kittaviah, et qu’il ne lui donne que trois doigts à chaque pied ; mais il excuse cette erreur, en ajoutant que le doigt postérieur avait pu échapper à M. Shaw à cause des plumes qui couvrent les jambes ; cependant il venait de dire plus haut dans sa description, et on voit, par sa figure, que c’est le devant des jambes seulement qui est couvert de plumes blanches semblables à du poil. Or, il est difficile de comprendre comment le doigt de derrière aurait pu se perdre dans ces plumes de devant : il était plus naturel de dire qu’il s’était dérobé à M. Shaw par sa petitesse, car il n’a pas en effet plus de deux lignes de longueur ; les deux doigts latéraux sont aussi fort courts, relativement au doigt du milieu, et tous sont bordés de petites dentelures comme dans le tétras. Le ganga ou la gelinotte des Pyrénées paraît avoir un naturel tout différent de celui de la vraie gelinotte : car, 1o il a les ailes beaucoup plus longues, relativement à ses autres dimensions ; il doit avoir le vol rapide ou léger, et conséquemment avoir d’autres habitudes, d’autres mœurs qu’un oiseau pesant ; car l’on sait combien les mœurs et le naturel d’un animal dépendent de ses facultés ; 2o nous voyons par les observations du docteur Roussel, citées dans la description de M. Edwards, que cet oiseau, qui vole par troupes, se tient la plus grande partie de l’année dans les déserts de la Syrie, et ne se rapproche de la ville d’Alep que dans les mois de mai et de juin, et lorsqu’il est contraint par la soif de chercher les lieux où il y a de l’eau : or nous avons vu dans l’histoire de la gelinotte que c’est un oiseau fort peureux, et qui ne se croit en sûreté contre la serre de l’autour que lorsqu’il est dans les bois les plus épais ; autre différence qui n’est peut-être qu’une suite de la première, et qui, jointe à plusieurs autres différences de détail faciles à saisir par la comparaison des figures et des descriptions, pourrait faire douter avec fondement si l’on a eu raison de rapporter à un même genre des natures aussi diverses. Le ganga, que les Catalans appellent aussi perdrix de Garrira[1], est à peu près de la grosseur d’une perdrix grise ; elle a le tour des yeux noir, et point de flammes ou sourcils rouges au-dessus des yeux ; le bec presque droit, l’ouverture des narines à la base du bec supérieur et joignant les plumes du front, le devant des pieds couverts de plumes jusqu’à l’origine des doigts, les ailes assez longues, la tige des grandes plumes des ailes noire ; les deux pennes du milieu de la queue une fois plus longues que les autres, et fort étroites dans la partie excédante ; les pennes latérales vont toujours en s’accourcissant de part et d’autre jusqu’à la dernière[2]. Il est à remarquer que de tous ces traits qui caractérisent cette prétendue gelinotte des Pyrénées, il n’y en a

  1. Barrère, Ornithol. Class. iv, genre xv, espèce 5.
  2. Voyez les descriptions de MM. Edwards et Brisson, tant pour ce qui précède que pour ce qui suit.