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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/42

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non seulement ces parties sont irritées, altérées ou changées par ces mêmes causes, mais elles paraissent même se détruire en entier pour se renouveler : les testicules, qui, dans l’homme et dans la plupart des quadrupèdes, sont à peu près les mêmes en tout temps, se flétrissent dans les oiseaux, et se trouvent, pour ainsi dire, réduits à rien après la saison des amours, au retour de laquelle ils renaissent, prennent une vie végétative et grossissent au delà de ce que semble permettre la proportion du corps ; le chant, qui cesse et renaît dans les mêmes temps, nous indique des altérations relatives dans le gosier de l’oiseau, et il serait bon d’observer s’il ne se fait pas alors dans les organes de sa voix quelque production nouvelle, quelque extension considérable, qui ne dure qu’autant que le gonflement des parties de la génération.

Au reste, l’homme paraît encore avoir influé sur ce sentiment d’amour, le plus profond de la nature ; il semble au moins qu’il en ait étendu la durée et multiplié les effets dans les animaux quadrupèdes et dans les oiseaux qu’il retient en domesticité ; les oiseaux de basse-cour et les quadrupèdes domestiques ne sont pas bornés, comme ceux qui sont libres, à une seule saison, à un seul temps de rut ; le coq, le pigeon, le canard, peuvent, comme le cheval, le bélier et le chien, s’unir et produire presque en toute saison, au lieu que les quadrupèdes et les oiseaux sauvages, qui n’ont reçu que la seule influence de la nature, sont bornés à une ou deux saisons, et ne cherchent à s’unir que dans ces seuls temps de l’année.

Nous venons d’exposer quelques-unes des principales qualités dont la nature a doué les oiseaux ; nous avons tâché de reconnaître les influences de l’homme sur leurs facultés ; nous avons vu qu’ils l’emportent sur lui et sur tous les animaux quadrupèdes, par l’étendue et la vivacité du sens de la vue, par la précision, la sensibilité de celui de l’oreille, par la facilité et la force de la voix, et nous verrons bientôt qu’ils l’emportent encore de beaucoup par les puissances de la génération et par l’aptitude au mouvement, qui paraît leur être plus naturel que le repos ; il y en a, comme les oiseaux de paradis, les mouettes, les martins-pêcheurs, etc., qui semblent être toujours en mouvement, et ne se reposer que par instants ; plusieurs se joignent, se choquent, semblent s’unir dans l’air ; tous saisissent leur proie en volant, sans se détourner, sans s’arrêter ; au lieu que le quadrupède est forcé de prendre des points d’appui, des moments de repos pour se joindre, et que l’instant où il atteint sa proie est la fin de sa course : l’oiseau peut donc faire dans l’état de mouvement plusieurs choses qui, dans le quadrupède, exigent l’état de repos ; il peut aussi faire beaucoup plus en moins de temps, parce qu’il se meut avec plus de vitesse, plus de continuité, plus de durée : toutes ces causes réunies influent sur les habitudes naturelles de l’oiseau, et rendent encore son instinct différent de celui du quadrupède.