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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/422

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J’en dis autant, et pour les mêmes raisons, de la troisième espèce de lagopus de Gesner[1], et qui paraît être le même oiseau que celui dont le jésuite Rzaczynski parle sous le nom polonais de parowa[2]. Ils ont tous deux une partie des ailes et le ventre blancs, le dos et le reste du corps de couleur variée ; tous deux ont les pieds velus, le vol pesant, la chair excellente, et sont de la grosseur d’une jeune poule. Rzaczynski en reconnaît deux espèces : l’une plus petite que j’ai ici en vue ; l’autre plus grosse, et qui pourrait bien être une espèce de gelinotte. Cet auteur ajoute qu’on trouve de ces oiseaux parfaitement blancs dans le palatinat de Novgorod. Je ne range pas ces oiseaux parmi les lagopèdes, comme a fait M. Brisson de la seconde et de la troisième espèce de lagopus de Gesner, parce qu’ils ne sont pas en effet lagopèdes, c’est-à-dire qu’ils n’ont point les pieds velus par-dessous, et que ce caractère est d’autant plus décisif qu’il est plus anciennement reconnu et que, par conséquent, il paraît avoir plus de consistance.


LE LAGOPÈDE

Cet oiseau[NdÉ 1] est celui auquel on a donné le nom de perdrix blanche, mais très improprement, puisque ce n’est point une perdrix, et qu’il n’est blanc que pendant l’hiver, et à cause du grand froid auquel il est exposé pendant cette saison sur les hautes montagnes des pays du nord, où il se tient ordinairement. Aristote, qui ne connaissait point le lagopède, savait que les perdrix, les cailles, les hirondelles, les moineaux, les corbeaux et même les lièvres, les cerfs et les ours, éprouvent dans les mêmes circonstances le même changement de couleur[3]. Scaliger y ajoute les aigles, les vautours, les éperviers, les milans, les tourterelles, les renards[4] ; et il serait facile d’allonger cette liste du nom de plusieurs oiseaux et quadrupèdes, sur lesquels le froid produit ou pourrait produire de semblables effets ; d’où il suit que la couleur blanche est ici un attribut variable, et qui ne doit pas être employé comme un caractère distinctif de l’espèce dont il s’agit ; et d’autant moins que plusieurs espèces du même genre, telles que celles du petit tétras blanc, selon le docteur Waygand[5] et Rzaczynski[6],

  1. Gesner, Alterum Lagopodis genus. De Avibus, p. 579.
  2. Rzaczynski, Auctuarium Poloniæ, p. 410 et 411.
  3. Aristote, de Coloribus, cap. vi ; et Hist. animal., lib. iii, cap. xii.
  4. Scaliger, Exercitationes in Cardanum, fol. 88 et 89.
  5. Voyez Actes de Breslaw, novembre 1725, classe iv, art. vii, p. 30 et suiv.
  6. Rzaczynski, Auctuarium Poloniæ, p. 421.
  1. Lagopus albus Vieill. [Note de Wikisource : Buffon décrit l’actuel Lagopus muta Montin, vulgairement lagopède alpin. Cependant, Buffon incorpore dans sa description des informations de Linnæus, Gesner, Klein, etc., qui, habitant l’Europe du Nord, décrivent sous le même nom une autre espèce, le lagopède des saules (cf. les articles de la gélinotte d’Écosse et du lagopède de la baie d’Hudson). Le lagopède des saules habite plutôt les forêts boréales, et donc vit à des altitudes moindres que le lagopède alpin, qui habite là où les arbres ne peuvent pas pousser et où la neige est persistante, dans les régions boréales et au sommet des plus hauts massifs des régions tempérées de l’hémisphère nord. Le lagopède des saules est aussi plus grand et n’arbore pas le trait noir qui relie le bec aux yeux du lagopède alpin.] Les Lagopus sont des Tétraoniens remarquables par les mues qu’ils subissent à chaque saison et qui sont accompagnées de changements de coloration du plumage.