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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/444

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Quand les petits sont éclos, il faut les laisser sous la mère pendant vingt-quatre heures, après quoi on pourra les transporter sous une mue[1] ; Frisch veut qu’on ne les rende à la mère que quelques jours après[2].

Leur première nourriture sera la farine d’orge détrempée dans du vin, du froment ramolli dans l’eau, ou même de la bouillie cuite et refroidie : dans la suite on pourra leur donner du fromage blanc bien pressé et sans aucun petit-lait, mêlé avec des poireaux hachés, et même des sauterelles, dont on dit qu’ils sont très friands ; mais il faut auparavant ôter les pieds à ces insectes[3]. Quand ils auront six mois, ils mangeront du froment, de l’orge, du marc de cidre et de poiré, et même ils pinceront l’herbe tendre ; mais cette nourriture seule ne suffirait point, quoique Athénée les appelle graminivores.

On a observé que les premiers jours la mère ne revenait jamais coucher avec sa couvée dans le nid ordinaire, ni même deux fois dans un même endroit ; et comme cette couvée si tendre, et qui ne peut encore monter sur les arbres, est exposée à beaucoup de risques, on doit y veiller de près pendant ces premiers jours, épier l’endroit que la mère aura choisi pour son gîte, et mettre ses petits en sûreté sous une mue ou dans une enceinte formée en plein champ avec des claies préparées, etc.[4].

Les paonneaux, jusqu’à ce qu’ils soient un peu forts, portent mal leurs ailes, les ont traînantes[5], et ne savent pas encore s’en servir : dans ces commencements, la mère les prend tous les soirs sur son dos et les porte l’un après l’autre sur la branche où ils doivent passer la nuit ; le lendemain matin elle saute devant eux du haut de l’arbre en bas, et les accoutume à en faire autant pour la suivre, et à faire usage de leurs ailes[6].

Une mère paonne, et même une poule ordinaire, peut mener jusqu’à vingt-cinq petits paonneaux, selon Columelle, mais seulement quinze selon Palladius ; et ce dernier nombre est plus que suffisant dans les pays froids, où les petits ont besoin de se réchauffer de temps en temps et de se mettre à l’abri sous les ailes de la mère, qui ne pourrait pas en garantir vingt-cinq à la fois.

On dit que si une poule ordinaire, qui mène ses poussins, voit une couvée de petits paonneaux, elle est tellement frappée de leur beauté qu’elle se dégoûte de ses petits et les abandonne pour s’attacher à ces étrangers[7] ;

  1. « Similiter ut gallinacei primo die non amoveantur, postero die cum educatrice transferantur in caveam. » Columelle, lib. viii, cap. xi.
  2. Frisch, planche cxix.
  3. Columelle, de Re rusticâ, lib. viii, cap. xi.
  4. Maison rustique, t. Ier, p. 138.
  5. Belon, Nature des oiseaux, p. 234.
  6. Maison rustique, t. Ier, p. 139.
  7. Columelle, lib. viii, cap. xi. « Satis convenit inter autores non debere alias gallinas quæ pullos sui generis educant, in eodem loco pasci ; nam cùm conspexerunt pavoninam prolem, suo pullos diligere desinunt… perosæ videlicet quod nec magnitudine nec specie pavoni pares sint. »