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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/445

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ce que je rapporte ici non comme un fait vrai, mais comme un fait à vérifier, d’autant plus qu’il me paraît s’écarter du cours ordinaire de la nature, et que dans les premiers temps les petits paonneaux ne sont pas beaucoup plus beaux que les poussins.

À mesure que les jeunes paonneaux se fortifient, ils commencent à se battre (surtout dans les pays chauds) ; et c’est pour cela que les anciens, qui paraissent s’être beaucoup plus occupés que nous de l’éducation de ces oiseaux[1], les tenaient dans de petites cases séparées[2] : mais les meilleurs endroits pour les élever, c’étaient, selon eux, ces petites îles qui se trouvent en quantité sur les côtes d’Italie[3], telle, par exemple, que celle de Planasie appartenante aux Pisans[4] : ce sont en effet les seuls endroits où l’on puisse les laisser en liberté, et presque dans l’état de sauvages, sans craindre qu’ils s’échappent, attendu qu’ils volent peu et ne nagent point du tout, et sans craindre qu’ils deviennent la proie de leurs ennemis, dont la petite île doit être purgée. Ils peuvent y vivre selon leur naturel et leurs appétits, sans contrainte, sans inquiétude ; ils y prospéraient mieux, et, ce qui n’était pas négligé par les Romains, leur chair avait un meilleur goût : seulement, pour avoir l’œil dessus et reconnaître si leur nombre augmentait ou diminuait, on les accoutumait à se rendre tous les jours, à une heure marquée et à un certain signal, autour de la maison, où on leur jetait quelques poignées de grain pour les attirer[5].

Lorsque les petits ont un mois d’âge, ou un peu plus, l’aigrette commence à leur pousser, et alors ils sont malades comme les dindonneaux lorsqu’ils poussent le rouge ; ce n’est que de ce moment que le coq paon les reconnaît pour les siens ; car tant qu’ils n’ont point d’aigrette il les poursuit comme étrangers[6] ; on ne doit néanmoins les mettre avec les grands que lorsqu’ils ont sept mois, et s’ils ne se perchaient pas d’eux-mêmes sur le juchoir il faut les y accoutumer, et ne point souffrir qu’ils dorment à terre, à cause du froid et de l’humidité[7].

L’aigrette est composée de petites plumes, dont la tige est garnie depuis la base jusqu’auprès du sommet, non de barbes, mais de petits filets rares et détachés ; le sommet est formé de barbes ordinaires unies ensemble et peintes des plus belles couleurs.

Le nombre de ces petites plumes est variable ; j’en ai compté vingt-cinq dans un mâle et trente dans une femelle ; mais je n’ai pas observé un assez

  1. « Pavonis educatio magis urbani patris familiæ quam tetrici rustici curam poscit… » Columelle, lib. viii, cap. xi.
  2. Varro, de Re rusticâ, lib. iii, cap. vi.
  3. Columelle, loco citato.
  4. Varro, loco citato.
  5. Columelle, lib. viii, cap. xi.
  6. Palladius, de Re rusticâ, lib. i, cap. xxviii.
  7. Columelle, loco citato.