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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/448

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beaucoup de dommage, et sur les arbres les plus élevés : c’est de là qu’ils font souvent entendre leur voix, qu’on s’accorde à trouver désagréable, peut-être parce qu’elle trouble le sommeil, et d’après laquelle on prétend que s’est formé leur nom dans presque toutes les langues[1].

On prétend que la femelle n’a qu’un seul cri, qu’elle ne fait guère entendre qu’au printemps, mais que le mâle en a trois ; pour moi, j’ai reconnu qu’il avait deux tons, l’un plus grave, qui tient plus du hautbois, l’autre plus aigu, précisément à l’octave du premier, et qui tient plus des sons perçants de la trompette ; et j’avoue qu’à mon oreille ces deux tons n’ont rien de choquant, de même que je n’ai rien pu voir de difforme dans ses pieds ; et ce n’est qu’en prêtant aux paons nos mauvais raisonnements et même nos vices, qu’on a pu supposer que leur cri n’était autre chose qu’un gémissement arraché à leur vanité toutes les fois qu’ils aperçoivent la laideur de leurs pieds.

Théophraste avance que leurs cris, souvent répétés, sont un présage de pluie ; d’autres, qu’ils l’annoncent aussi lorsqu’ils grimpent plus haut que de coutume[2] ; d’autres, que ces mêmes cris pronostiquaient la mort à quelque voisin ; d’autres, enfin, que ces oiseaux portaient toujours sous l’aile un morceau de racine de lin comme une amulette naturelle pour se préserver des fascinations[3]…, tant il est vrai que toute chose dont on a beaucoup parlé a fait dire beaucoup d’inepties !

Outre les différents cris dont j’ai fait mention, le mâle et la femelle produisent encore un certain bruit sourd, un craquement étouffé, une voix intérieure et renfermée qu’ils répètent souvent et quand ils sont inquiets, et quand ils paraissent tranquilles ou même contents.

Pline dit qu’on a remarqué de la sympathie entre les pigeons et les paons[4] ; et Cléarque parle d’un de ces derniers, qui avait pris un tel attachement pour une jeune personne, que, l’ayant vue mourir, il ne put lui survivre[5]. Mais une sympathie plus naturelle et mieux fondée, c’est celle qui a été observée entre les paons et les dindons : ces deux oiseaux sont du petit nombre des oiseaux qui redressent leur queue et font la roue, ce qui suppose bien des qualités communes, aussi s’accordent-ils mieux ensemble qu’avec tout le reste de la volaille ; et l’on prétend même qu’on a vu un coq paon couvrir une poule dinde[6], ce qui indiquerait une grande analogie entre les deux espèces.

  1. « Volucres pleræque à suis vocibus appellatæ, ut hæ… upupa, cuculus, ulula… pavo. » Varro, de Linguâ latinâ, lib. iv.
  2. Voyez le livre De naturâ rerum.
  3. Ælian., Hist. animal., lib. xi, cap. xviii.
  4. Pline, Hist. nat., lib. x, cap. xx.
  5. Voyez Athénée, Deipnosoph., lib. xiii, cap. xxx.
  6. Voyez Belon, Nature des oiseaux, p. 234.